
Or, diamants, pétrole…
L’Afrique à la recherche de l’équilibre
Sur le continent, de plus en plus d’États, du Botswana au Gabon, en passant par le Burkina Faso, revendiquent face aux entreprises étrangères une répartition plus équilibrée des bénéfices de leurs sous-sols. Par le droit ou par la force.
Le Mali n’est pas le seul pays africain dont le sous-sol est riche en ressources minières à taper du poing sur la table face au déséquilibre, voire à l’iniquité, des rapports entre nations en développement et multinationales. Son voisin et allié, le Burkina Faso, dirigé depuis le putsch de septembre 2022 par le capitaine Ibrahim Traoré, veut lui aussi redéfinir les relations du pays des Hommes intègres avec les compagnies minières : en juillet 2024, les autorités ont révisé le code minier. Au même moment, lors de la pose de la première pierre d’une mine d’or semi-mécanisée sur la commune de Midebdo (sud-ouest) pilotée par l’Agence pour la promotion de l’entrepreneuriat communautaire (APEC), Anderson Médah, directeur de cabinet du président, a insisté sur la volonté des autorités de «booster la contribution du secteur minier» afin d’édifier «une économie nationale forte et résiliente», et d’acquérir «la souveraineté économique pour [leur] patrie, faire en sorte que les plus grands bénéficiaires de ces activités soient les populations».
VERS UN DEAL GAGNANT-GAGNANT
En octobre, le président de la transition a annoncé à la radio que des permis miniers sont «en train d’être retirés», sans plus de précision: «Je ne comprends pas pourquoi, alors que l’on sait exploiter l’or, on laisse les multinationales le faire», a résumé le jeune capitaine putschiste, admirateur revendiqué d’un autre capitaine putschiste devenu président du Burkina, Thomas Sankara (1983- 1987).
«Cette question de fierté nationale n’est pas cantonnée aux seuls pays africains », fait remarquer l’expert minier Christian Mion, senior partner à Ernst & Young.
« La primauté accordée aux intérêts nationaux fait écho à la vague d’anti-multilatéralisme. Une certaine cohésion autour du concept de nation, qui va de pair avec un homme fort – Assimi Goïta au Mali ou Donald Trump aux USA. Le sujet de fond est une meilleure répartition, un meilleur partage des richesses du sous-sol, dans un deal gagnant gagnant entre les entreprises qui investissent et les États hôtes, mais également avec les communautés locales. Un projet minier, ce n’est pas seulement de la géologie, des infrastructures et du minerai, mais aussi la gestion de l’implantation, de ses bénéfices – y compris pour les communautés locales – et de l’environnement.»
Dans la même veine, le Gabon, dirigé depuis le putsch d’août 2023 par le général Brice Oligui Nguema, a nationalisé Assala Energy, désormais propriété de la Gabon Oil Company (GOC). «Le Gabon a respecté le droit dans cette opération, et a payé le prix fort, 1,3 milliard de dollars, afin de racheter Assala Energy », souligne un observateur. Idem au Botswana : cet État d’Afrique australe est l’un des plus riches du continent grâce à ses diamants, dont il est le deuxième producteur au monde. Au terme d’un long bras de fer, le Botswana a obtenu en juillet 2023 du conglomérat De Beers la rétrocession de 30% des pierres brutes et de 50% d’ici une décennie pour les tailler sur place plutôt qu’à Anvers (Belgique). Aussi puissant soit-il, le diamantaire sud-africain, qui se fournit à 70% au Botswana et est présent dans le pays depuis 1969, n’a pas eu d’autre choix que de céder aux exigences des autorités, qui estimaient perdre 15 milliards de dollars par an en exportant les pierres brutes sans les tailler.
«Chaque pays fait ses choix, souligne Christian Mion, le Botswana a été constant dans les siens et le résultat s’est avéré payant. Il a su imposer des tailleries locales de diamants bruts. La Guinée, productrice de fer et de bauxite, a quant à elle été le précurseur du transfer pricing [la juste taxation des bénéfices là où ils sont générés, ndlr]. Ce qui est important, conclut-il, est pour chaque pays minier de savoir LUCIAN intégrer les enjeux du moment.»