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Où en est-on depuis l’Accord de Paris ?

Par Julien Wagner - Publié en octobre 2016
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Amorcée dans la douleur, la COP21 s’était soldée par un réel succès diplomatique. De là à ce que toutes les promesses soient tenues…

Historique ? Assurément, l’accord conclu à Paris le 12 décembre 2015 l’était. 175 « parties » (174 pays + l’Union européenne) s’y s’étaient formellement engagées à contenir le réchauffement climatique « bien en dessous de 2 °C » et à viser le « plafonnement mondial des émissions de gaz à effet de serre ». Une révolution. Avec cinq pays supplémentaires engagés dans le processus (dont la Gambie, la Guinée-Bissau, le Botswana et les Seychelles) depuis la signature officielle le 22 avril à New York, 180 pays à travers le monde ont désormais approuvé son ambition. Pour des raisons diverses, quatre pays africains en sont malgré tout absents : le Nigeria, la Zambie, le Togo et la Sierra Leone.

Mais pour entrer officiellement en vigueur, encore fallait-il que chaque État ratifie le document nationalement. Un minimum de 55 pays représentant 55 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) était nécessaire. On sait désormais que ce chiffre sera atteint avant la COP22, avec les ratifications de la Chine et des États-Unis le 3 septembre dernier (à eux deux 38 % des émissions de GES dans le monde), et leur effet d’entraînement. Un succès diplomatique global quand on sait qu’il avait fallu près de huit ans (1997-2005) pour que le Protocole de Kyoto (COP3) débouche sur du concret.

Que de chemin parcouru en si peu de temps pour l’Afrique ! Malgré les craintes de compromettre leur développement pour combattre un réchauffement dont ils sont les derniers responsables, les États africains étaient plutôt repartis rassérénés de la COP21. Des promesses plein la besace. La responsabilité infime du continent dans le réchauffement climatique y a été reconnue (moins de 5 % des GES dont 1 % à peine pour l’Afrique subsaharienne), tout autant que son statut de première victime des catastrophes climatiques à venir. Pour Lucile Dufour, chargée des négociations internationales pour l’ONG Réseau action climat (présente dans 60 pays, la plupart du continent), un pas de géant a été accompli : « L’Accord est décisif puisqu’il reconnaît officiellement les besoins spécifiques des pays africains en matière d’adaptation afin de réduire leur vulnérabilité aux effets du changement climatique. » Reconnaissances qui valent une promesse d’aide climatique « plancher » annuelle aux pays en développement de 100 milliards de dollars (91 milliards d’euros) par an à partir de 2020. Aide qui était de 62 milliards de dollars en 2014 d’après l’OCDE. Soulagés au premier chef par ces fonds supplémentaires, les membres du V20 (Vulnerable Twenty Group), les plus exposés au dérèglement climatique, qui comptent six pays africains : Éthiopie, Ghana, Kenya, Madagascar, Rwanda et Tanzanie. Mais aussi tous les autres, notamment à travers l’Initiative africaine pour les énergies renouvelables (AREI). Lancée en marge du sommet de Paris, elle promettait 10GW d’électricité « verte » au continent d’ici 2020.

ENTRE DONATEURS ET BÉNÉFICIAIRES

Pourtant, « dans les faits, sur le terrain, il ne se passe pas grand-chose, regrette Sylvain Trottier, chargé de communication pour Greenpeace. Pour les aides nouvelles aux pays africains, l’argent n’est pas là. » En revanche, « les effets du réchauffement sont déjà très lourds pour les communautés locales, constate Lucile Dufour, que ce soit à travers les tornades, les sécheresses ou la désertification. » Et, cela pourrait durer : l’Accord de Paris a beau être entré en vigueur, le processus n’est pas pour autant achevé. « Pour transformer ces décisions en actions sur le terrain, précise Lucile Dufour, il faut encore faire correspondre les contributions nationales promises par les pays développés aux besoins spécifiés de chaque pays en développement. » D’un côté, les pays donateurs doivent dire comment ils comptent traduire concrètement leurs promesses et par quel canal ils comptent les transmettre, de l’autre, les pays receveurs doivent soumettre leurs projets à approbation.
Une étape qui pourrait très bien intervenir durant la COP22, vendue comme celle de « l’action ». En tout cas, Ibrahim Thiaw, directeur adjoint du PNUE (Programme des Nations unies pour l’environnement), y croit : « Les financements décidés à la COP21 ne sont pas encore arrivés sur le terrain, mais ce n’est qu’une question de temps. Cet été, le Fonds vert pour le climat a déjà approuvé ses premiers projets. Bientôt, les versements suivront. »