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Côte d’Ivoire, une émergence à 360°

Parcours chiffrés

Par Philippe Di Nacera
Publié le 25 avril 2025 à 15h40
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Les données et les indicateurs de développement permettent de mesurer les évolutions depuis 2011. Et de décrire un pays jeune, dynamique, qui se construit, qui s’urbanise, avec une économie diversifiée. Un pays qui doit faire face aussi aux exigences de la croissance: formation, emploi, inclusivité et protection sociale.

Une démographie en forte croissance

À l’hôpital Mère-Enfant Dominique Ouattara de Bingerville. NABIL ZORKOT
À l’hôpital Mère-Enfant Dominique Ouattara de Bingerville. NABIL ZORKOT

Quatrième pays le plus peuplé en Afrique de l’Ouest, la Côte d’Ivoire a connu un accroissement remarquable de sa population, passée de 21,6 millions d’habitants en 2011 à près de 30 millions en 2023, soit une hausse de plus de 33%. Une expansion rapide qui entraîne de nombreux défis quant aux infrastructures, aux logements, aux formations ou aux emplois. D’autant que le pays, avec un âge médian de 23 ans et plus de 36% de la population qui a entre 16 et 35 ans, possède un vivier sans cesse renouvelé de jeunes actifs. Si, à première vue, cela peut représenter une aubaine pour le développement économique, cette jeunesse doit toutefois disposer d’un accompagnement particulier, depuis les formations de base à l’école élémentaire jusqu’au cursus universitaire, en passant par la formation professionnelle et les aides à l’insertion ou à l’entrepreneuriat.

L’espérance de vie a, elle aussi, connu une nette progression, passant de 57,6 ans en 2011 à 63,5 ans en 2021. Un allongement qui s’explique par des investissements conséquents dans les structures médicales, les avancées réalisées en matière de santé publique et de lutte contre les maladies. Huit centres hospitaliers régionaux, onze hôpitaux généraux et près de 300 centres de santé ont ainsi été construits ou réhabilités. Un effort nécessaire se poursuit sur les équipements médicaux et les plateaux techniques pour rapprocher les soins des populations. Et la couverture maladie universelle (CMU) couvre les soins de santé de la population depuis 2024.

Parallèlement, l’urbanisation s’est intensifiée, avec une population citadine passée de 10,3 millions en 2011 à 15,3 millions en 2023. Abidjan, où réside 21% de la population, est en première ligne. La capitale économique, synonyme d’opportunités, se trouve particulièrement engorgée, et les projets de décentralisation, tant sur le plan administratif qu’économique, refleurissent à la faveur du débat présidentiel qui s’ouvre en 2025.

Une économie en pleine mutation

Du point de vue de l’économie, la grande crise politique postélectorale de 2011 est bien loin. Le pays a changé de visage et son PIB a triplé en quinze ans, passant de 36,39 milliards de dollars en 2011 à 78,79 milliards de dollars en 2023. Un dynamisme économique qui se traduit, depuis quinze ans, par l’une des plus fortes croissances du monde. Il repose sur un solide triptyque: diversification, investissements, modernisation des infrastructures.

Si l’on observe le PIB de plus près, on constate une mutation notable: la part du secteur primaire (l’agriculture) a diminué, passant de 25% à 15,2%, tandis que le secteur secondaire (l’industrie et le commerce) a progressé de 23,1% à 30%.

Cette évolution témoigne d’une ferme volonté d’industrialisation et de transformation des matières premières sur le territoire national, autant d’objectifs qui se retrouvent inscrits noir sur blanc dans les différents PND (plans nationaux de développement), 2012-2015, 2016-2020, 2021-2025. Ces derniers ont été les instruments de la transformation économique et sociale du pays. Suivant cette même trajectoire, le secteur tertiaire est passé, quant à lui, de 40,2% à 45%, traduisant l’essor des services. L’augmentation considérable de la part des secteurs secondaire et tertiaire dans le PIB est le signe incontestable d’un développement économique sur le modèle des pays émergents, avec la constitution, dans la même période, d’une nouvelle et vaste classe moyenne, à même de consommer les biens et services produits dans le pays. Un signe ne trompe pas : la création de nombreux hypermarchés, supermarchés et centres commerciaux sur le modèle des «mall» américains, qui ne désemplissent pas chaque semaine du lundi au dimanche.

Le PIB par habitant, évalué à 2530 dollars, a propulsé le pays parmi les économies les plus florissantes de la Cedeao. La Côte d’Ivoire y a repris sa place de «moteur économique» de la sous-région. Et ses performances ne sont pas passées inaperçues aux yeux du FMI (Fonds monétaire international). L’institution de Bretton Woods a en effet identifié le pays comme étant l’une des dix économies africaines les plus prometteuses pour les années à venir.

L’engagement contre la pauvreté

Lutter contre la précarité est un enjeu majeur pour les autorités ivoiriennes. Si, entre 2011 et 2023, le taux de pauvreté a bien chuté de 55,4% à 35% (l’objectif est de tomber largement sous le seuil de 30% en 2030), des disparités considérables subsistent entre les zones urbaines et rurales, ces dernières étant les plus touchées. Et l’indice de développement humain (IDH), qui reste un indicateur surveillé de près par les acteurs ivoiriens et internationaux, a quant à lui connu une évolution positive, passant de 0,445 en 2011 à 0,534 en 2023.

L’éducation des jeunes et leur formation, un enjeu majeur pour le développement

L’Institut national polytechnique Félix Houphouët-Boigny (INPHB), à Yamoussoukro. DR
L’Institut national polytechnique Félix Houphouët-Boigny (INPHB), à Yamoussoukro. DR

Des investissements considérables ont été consentis pour la jeunesse. De fait, l’engagement du gouvernement dans le système scolaire a été massif depuis 2011: construction de milliers de classes dans le primaire et de 648 établissements dans le secondaire (collèges et lycées), afin d’absorber l’ensemble des jeunes Ivoiriens dans le cadre d’une loi d’obligation scolaire, votée en 2015, selon laquelle l’école est désormais obligatoire pour tous les enfants de 6 à 16 ans. Une vision stratégique qui a eu pour résultat le doublement du nombre d’élèves scolarisés, passé de 2,9 millions en 2011 à 4,8 millions en 2023. Ce tableau optimiste est toutefois à nuancer. D’abord, la loi sur l’école obligatoire mettra du temps à produire pleinement tous les effets escomptés. Car les besoins en infrastructures scolaires restent massifs. Le défi majeur, au-delà de l’accès du plus grand nombre à l’école (en particulier des petites filles), reste la qualité des enseignements prodigués. La formation des enseignants, notamment, mérite d’être améliorée, et les classes, toujours surchargées malgré les investissements, devront être délestées. Enfin, un autre point d’interrogation est le taux d’analphabétisme qui reste anormalement élevé, oscillant entre 47% et 51% selon les sources.

Avec la construction de cinq nouvelles universités et de trois lycées techniques, l’enseignement supérieur et professionnel a fait l’objet d’un effort certain. Mais le marché du travail peine encore à absorber le nombre croissant de jeunes diplômés sortis de l’enseignement supérieur. Le ministre de la Promotion de la jeunesse, Mamadou Touré, a récemment fait état d’un ratio de 400000 jeunes entrants sur le marché chaque année, pour 100000 postes générés, tous secteurs confondus, dans le même temps. La question de l’adéquation entre l’offre de formation et les besoins économiques du pays est sur la table de tous les ministères concernés, et les consultations avec les organisations représentatives du secteur privé vont bon train. Certaines grandes entreprises, dans le secteur du pétrole ou celui de la construction par exemple, n’hésitent pas à monter des formations spécifiques correspondant directement à leurs besoins avec quelques grandes écoles, comme l’INPHB de Yamoussoukro.

La transition numérique accélérée

Internet a bouleversé le quotidien des Ivoiriens. De 2,9% en 2011, le taux de pénétration d’Internet est passé à près de 89% en 2024, soit 29170000 abonnés pour une population d’un peu plus de 32 millions de personnes. Porté par la même vague, l’usage de l’Internet mobile a lui aussi explosé. Selon les derniers chiffres annoncés en mars 2025 par le chef du gouvernement, Robert Beugré Mambé, 54,6 millions de personnes (sachant que bon nombre d’Ivoiriens souscrivent des abonnements à plusieurs opérateurs) en font usage en Côte d’Ivoire. Ce phénomène n’empêche pas la subsistance de zones non couvertes par Internet. Il existe entre 529 et 559 «zones blanches» dans le pays. Le plan de développement numérique tâche de les combler.

Les infrastructures modernisées

La route précède le développement. Depuis 2011, environ 260 kilomètres d’autoroutes ont été construits, 1500 kilomètres de routes interurbaines neuves ont été aménagés et bitumés, et plus de 2000 kilomètres de routes revêtues existantes ont été renforcés, favorisant les échanges et sortant certaines régions de leur isolement. Dans le même esprit, on a multiplié les ponts et les échangeurs partout dans le pays : 45 au total ont été construits depuis 2011. De plus, en douze ans, l’accès à l’électricité a grimpé en flèche. La couverture du territoire a triplé, passant de 33,1% en 2011 à 88% en 2023. Une évolution s’appuyant sur la production électrique, qui a quasiment doublé, atteignant 2907 MW en 2023 contre 1391 MW en 2011, et sur des programmes comme l’électrification obligatoire des villages de plus de 500 habitants. Autant d’avancées qui permettent à la Côte d’Ivoire d’avoir l’un des réseaux électriques les plus développés et fiables de la sous-région. Enfin, l’accès à l’eau potable a aussi particulièrement progressé – de 50% en 2011 à 80% en 2019 –, avec un objectif de couverture totale en 2030.

En quinze ans, le visage de la Côte d’Ivoire a changé. Mais des défis persistent, à l’image de la réduction des inégalités, de la modernisation du système éducatif et du renforcement de l’insertion professionnelle des jeunes. Le débat présidentiel qui s’ouvre portera sur l’appréciation du bilan du président Ouattara. Il devra aussi offrir de nouvelles DR perspectives pour les Ivoiriens.