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Dossier

PATRICK MESTRALLET :
« BEAUCOUP D'EFFORTS SONT RÉALISÉS »

Par - Publié en février 2018
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Pour le président du Club des dirigeants de banques et établissements de crédit d’Afrique francophone, le secteur est encore trop éclaté. Mais les initiatives de l’État vont dans le bon sens…

VINCENT FOURNIER/JEUNE AFRIQUE-REA
 
AM : Comment se porte le secteur bancaire ?
Patrick Mestrallet : La situation est mitigée. Le paysage bancaire togolais se compose de 13 banques disposant de près de 240 agences ou bureaux et de plus de 275 distributeurs ou guichets automatiques (DAB/GAB). Le taux de bancarisation est de près de 25 % au sens strict, et passe à plus de 70 % si on prend en compte les organismes de microfinance. Le total du bilan des banques a progressé de plus de 10 % en un an, à environ 2 450 milliards de francs CFA, et le produit national brut (PNB) global, de plus de 12 % à plus de 100 milliards. Toutefois, le taux de dégradation brut du portefeuille des banques s’élève à plus de 20 % et le niveau de provisionnement des créances difficiles dépasse les 75 %. Le montant des dépôts en banque est de l’ordre de 1 500 milliards de francs CFA, ce qui, pour 13 établissements bancaires, est relativement faible.
 
Selon vous, que manque-t-il ou que faudrait-il pour le booster ?
Le secteur bancaire est trop éclaté : 13 banques pour un volume de dépôt de 1 500 milliards de francs CFA. Le Togo a connu plusieurs regroupements ces dernières années, avec la fusion BTD/ Orabank Togo, puis l’absorption de la BRS à nouveau par Orabank Togo. Mais ces mouvements ont été compensés par l’ouverture de nouveaux établissements. Il n’est pas certain que cette concurrence conduise à la baisse des taux du crédit sur le moyen terme, compte tenu de la lutte que les banques mènent pour collecter les dépôts.
 
L’accès au crédit, souci récurrent en Afrique, est-il facilité, et comment ?
Avec l’avènement des réformes de Bâle II et III, les règles concernant la prise en compte des crédits dans le dispositif prudentiel sont durcies. La Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a mis en place un dispositif de facilitation du financement des PME/PMI pour en adoucir les effets. Par ailleurs, le gouvernement togolais a institué des dispositifs d’accompagnement des primo-entrepreneurs, des jeunes opérateurs et des femmes afin de faciliter l’accès aux services et financements bancaires. Malgré ces initiatives qui méritent d’être saluées, la prise de garantie, notamment hypothécaire, demeure longue et incertaine. L’accès au crédit en est pourtant dépendant. Des alternatives peuvent exister, comme le crédit-bail, et des réflexions sont menées dans ce domaine.
 
Y a-t-il des projets ou des réformes en cours capables d’améliorer le climat des affaires ?
Des initiatives sont prises pour faciliter le dispositif des affaires au Togo. Le gouvernement souhaite par exemple que les PME nationales puissent bénéficier d’au moins 20 % des marchés publics. De même, l’attribution desdits marchés fait l’objet de procédures publiques et transparentes. Les infrastructures ont bénéficié d’importants investissements de modernisation. Tous ces efforts contribuent évidemment à l’amélioration du climat des affaires. La gestion du foncier reste néanmoins un véritable problème au Togo.
 
Vous êtes le chef de projet de la fusion des banques UTB et BTCI. Pourriez-vous en dire quelques mots ?
Après avoir privatisé deux des quatre banques publiques existantes, le gouvernement togolais a souhaité fusionner les deux restantes : la BTCI, ancienne filiale du groupe BNP, et l’UTB, anciennement établissement du réseau Crédit lyonnais. Cette fusion est justifiée par la volonté de regrouper les moyens d’action des deux entités d’une part et de constituer un pôle bancaire public, respectant les meilleures pratiques de gouvernance et appuyant, tout en conservant son libre arbitre en matière d’octroi de financement, les priorités économiques du gouvernement. Cette fusion devrait voir son aboutissement au milieu de l’année 2018.