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Pour une capitale propre

Par Coralie Pierret - Publié en juin 2017
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À Conakry, citoyens et pouvoirs publics se mobilisent pour prendre en main le ramassage des déchets.

Le rendez-vous est matinal. Autour du rond-point Samory-Touré, des dizaines de jeunes ratissent le caniveau. Des débris d’immondices ont bouché les canaux d’évacuation, provoquant des inondations. Résultat : des eaux y stagnent même en saison sèche. « C’est un carrefour négligé de la capitale », reproche Mohamed, l’un des initiateurs de « Conakry saine et propre ». Les membres du collectif, lancé d’abord sur les réseaux sociaux, n’ont qu’une idée en tête : débarrasser leur ville de ces détritus. Derrière leur brouette, ces citoyens interpellent les passants, leur tendent des pelles. Si épurer la métropole est un défi, sensibiliser les Conakrykas à l’écologie en est un autre. « C’est vrai, il y a des déchets industriels ou chimiques dangereux. Mais il faut commencer à la base, responsabiliser et outiller les acteurs et se tourner vers les ménages », indique Baïlo.
 
Cet écologiste activiste convaincu a lui aussi lancé son mouvement. Sur les réseaux sociaux, via le hashtag #samedisdassainissement, il convoque quelques militants. Ce joli matin de mai, ils sont réunis sur le sable blanc de la plage de la Minière. Le décor est paradisiaque. Mais les émanations d’égouts gâchent la carte postale. « Depuis trois semaines, nous balayons les sachets d’eau ou les boîtes de conserve calcinées. », déplore le directeur de l’ONG « Destin en main ». Au-delà du nettoyage, l’objectif est de créer un espace de loisirs et de générer des emplois. « Le plastique et le fer sont rachetés. Les citoyens peuvent trier eux-mêmes puis vendre ces matières aux petites ou moyennes entreprises, qui iront ensuite les revendre à ceux qui font du recyclage. C’est de l’entrepreneuriat social ! », argumente-t-il. Ces deux initiatives citoyennes sont nées après le buzz suscité par #selfiedechets, un autre hashtag lancé sur Facebook et Twitter par la bloggeuse Fatoumata Chérif. Tous réclament une politique nationale de gestion des ordures.
 
UNE NOUVELLE AGENCE D’ASSAINISSEMENT
 
Pourtant, les campagnes d’assainissement reviennent comme une rengaine. Déguerpissement, rafraîchissement des infrastructures, installation de poubelles dans les rues du centre-ville... La « Perle de l’Afrique de l’Ouest », comme elle était surnommée dans les années 1950, produit entre 1 000 et 1 200 tonnes de déchets par jour selon les estimations des autorités. Tous les camions-bennes, remplis plus qu’à ras bord, convergent vers l’unique décharge de la ville, à Concasseur. « Il y a vingt ans, nous avions vingt-cinq hectares à notre disposition. Nous n’en avons plus que quinze aujourd’hui », regrette l’un de ces travailleurs.
 
L’accroissement de la population et les constructions riveraines anarchiques ont créé ce paradoxe : celui d’un dépotoir réduit alors que les déchets s’accumulent. « Au départ, cette carrière avait une profondeur de vingt mètres. Aujourd’hui, l’entassement atteint jusqu’à vingt mètres au-dessus du sol », explique Mohamed Lamine Condé, le coordinateur des opérations d’assainissement de la ville. Pour faire face à cette saturation, les pouvoirs publics ont lancé plusieurs projets pour créer des centres d’enfouissement. Le premier, celui de Kagbelen, à 50 kilomètres du centre administratif, est à l’abandon.
 
Pendant la période de transition de 2009-2010 durant laquelle les militaires étaient aux affaires, les soixante hectares réservés ont été vendus à des particuliers, ou réquisitionnés par les autorités pour construire une école de police. Le second, à Khorira, est suspendu. En raison de sa proximité avec les chutes touristiques de la Soumba, le ministère de l’Environnement a émis des réserves. « Nous allons réaménager Concasseur pour pouvoir l’utiliser encore pendant cinq ans », conclut Mohamed Lamine Condé, cadre de la toute nouvelle Agence nationale de l’assainissement et de la salubrité publique. Créé en décembre 2016 par décret présidentiel, ce bureau devra rafraîchir et réorganiser le secteur en collaboration avec les collectivités locales, qui en ont la compétence légale. Des entreprises de quartiers ont été identifiées pour le ramassage des ordures et « devraient bientôt entrer en fonction », annonce la direction.