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Découverte / Côte d’Ivoire

Pour une révolution du système éducatif

Par Francine Yao - Publié en mars 2022
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L’université Félix Houphouët-Boigny de Cocody accueille 60 000 étudiants.NABIL ZORKOT
L’université Félix Houphouët-Boigny de Cocody accueille 60 000 étudiants.NABIL ZORKOT

Scolarité, formation supérieure, apprentissage, recherche… Les chantiers sont nombreux pour mettre à niveau un secteur essentiel pour le développement à long terme.

Le défi est grand. Repositionner l’école ivoirienne, qui a un peu perdu de sa superbe. Cette vérité crue a été rappelée dans le dernier rapport du Programme d’analyse des systèmes éducatifs (PASEC) de la Conférence des ministères de l’Éducation nationale en Afrique subsaharienne et francophone (CONFEMEN) datant de 2019, mais publié en décembre 2020. Cette évaluation diagnostique porte sur 14 pays, à savoir le Bénin, le Burkina Faso, le Burundi, le Cameroun, le Congo, la Côte d’Ivoire, le Gabon, la Guinée, le Niger, Madagascar, la République démocratique du Congo, le Sénégal, le Tchad et le Togo. Elle a étudié, entre autres, le niveau de connaissances, les compétences, les aptitudes des élèves et la qualification des enseignants.

Il en ressort que les scores attribués à la Côte d’Ivoire dans certains domaines clés sont assez bas. Dans l’indice des scores moyens nationaux en mathématiques, le pays est même classé avant-dernier, juste devant le Tchad. Certes, des efforts ont été accomplis, mais, à l’évidence, les résultats restent mitigés.

Face à cette situation, le gouvernement a pris le taureau par les cornes. Le programme de travail gouvernemental (PTG), validé au cours du séminaire du gouvernement organisé en avril 2021, a placé au cœur de ses actions les États généraux de l’éducation et de l’alphabétisation (EGEA). L’idée est de redorer le blason de l’école, avec ces derniers comme instruments d’orientation et de prise de décision dans les actions de redynamisation en matière d’éducation et d’alphabétisation.

DES ÉTATS GÉNÉRAUX POUR DES SOLUTIONS INCLUSIVES

« C’est une exigence éminemment citoyenne si nous aspirons véritablement à une éducation de qualité au service de nos enfants et de la Côte d’Ivoire de demain, dans la perspective d’un développement durable, d’un mieux-être partagé », a affirmé Mariatou Koné, le 19 juillet 2021, à Abidjan, lors du lancement des EGEA. Pour la ministre de l’Éducation nationale et de l’Alphabétisation, si les défis du système éducatif ne sont pas relevés, l’ambition du gouvernement de mettre à la disposition du pays des ressources humaines de qualité en adéquation avec les besoins du marché de l’emploi pourrait être compromise. Ces assises permettront de porter un regard critique sur le système éducatif actuel, et de recueillir des propositions innovantes et consensuelles, pour construire une école de qualité. Pour atteindre ses objectifs, les EGEA ont adopté cinq principes directeurs pour encadrer les travaux. Il y a d’abord le principe de capitalisation des acquis. Il y a ensuite la démarche verticale, de la base vers le sommet : celle-ci consiste à impliquer les populations locales dans la formulation de propositions pour une éducation de qualité. Il y a aussi les « concertations sincères et franches guidées par l’intérêt général » : ce principe ambitionne d’apporter des solutions constructives et concrètes aux problèmes qui minent l’école. Il y a également la démarche inclusive et participative, qui est un exercice d’écoute des parties prenantes, qui favorisera le dialogue et les échanges entre tous les acteurs et partenaires du secteur éducation-formation. Enfin, il y a la démarche prospective. Le chronogramme est clair. Dès maintenant, la Côte d’Ivoire doit commencer à mettre à exécution ses solutions pour l’école. En initiant les états généraux, la ministre se donne les moyens pour changer le visage de l’école. Car si toutes les résolutions issues de la concertation sur l’éducation sont mises en œuvre, les résultats attendus seront impressionnants. À savoir, notamment, la construction dans la durée d’une école de qualité ainsi qu’une entente dans le secteur éducation/formation, et l’établissement d’une relation de confiance en l’école tant sur le plan national qu’international.

L’IMPORTANCE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

L’enseignement supérieur est également entré en chantier de refonte. Le ministre Adama Diawara veut lui donner un nouveau souffle : « À l’université, les choses sont dynamiques. Bientôt, je vais proposer au Conseil des ministres de nouveaux textes pour impulser le changement », a fait savoir le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, le 19 août 2021, à l’université Félix Houphouët-Boigny de Cocody, en présence des enseignants et des fondateurs de grandes écoles.

Dans sa quête de qualité, le ministre veut réformer l’enseignement supérieur privé. « Celui-ci occupe une place de choix au sein de l’enseignement supérieur en Côte d’Ivoire », relève-t-il. Pour soutenir son assertion, il se fonde sur deux indicateurs. Le premier découle de l’annuaire statistique de l’enseignement supérieur qui date de 2019 : « Selon cet annuaire,notre pays enregistre 249 420 étudiants [254 000 aujourd’hui, ndlr]. La part de l’enseignement privé était de 45 %, le public gardant les 55 % restants. À peu près la moitié des apprenants se trouvent dans le privé. Et ce pourcentage ira croissant car, de plus en plus, les étudiants y seront orientés », indique-t-il.

Le second indicateur, avance-t-il, a trait à la répartition des affectations des étudiants. « En 2020, 77 900 étudiants se sont inscrits sur notre plate-forme d’orientation. Quand nous avons regardé les capacités d’accueil des universités publiques, nous ne pouvions y affecter que 22,6 % d’entre eux. Nous avons forcé un peu pour faire en sorte que 30 % soient finalement orientés dans le public, contre 70 % dans le privé », fait-il observer, démontrant l’importance des universités privées dans le dispositif de l’enseignement supérieur.

Des mesures sont mises en place pour que l’école progresse rapidement. Ici, à Daloa, dans le centre-ouest.NABIL ZORKOT
Des mesures sont mises en place pour que l’école progresse rapidement. Ici, à Daloa, dans le centre-ouest.NABIL ZORKOT

Face à ce constat, Adama Diawara souligne qu’il faut que ce secteur soit de qualité. Dans cette optique, il avance qu’il faut agir sur différents leviers : « Il faut d’abord disposer d’infrastructures et d’équipements de qualité, précise-t-il, notamment pour les filières scientifiques et technologiques. » Avant d’ajouter : « Il faut que les offres de formation soient à la hauteur de ce que l’on attend des universités privées, en matière d’adéquation formation-emploi. » Enfin, le ministre n’oublie pas le chantier relatif à l’amélioration de la qualité des enseignants : « Au niveau d’une formation BTS, quand des professeurs ont le niveau BTS, c’est le début de la catastrophe ! Car le fait que des élèves aient le même niveau que leurs enseignants pose évidemment un gros problème. »

Conséquence de ces différents constats, le ministre annonce de nouveaux textes en préparation : « Il y aura un nouvel arrêté sur l’autorisation de création, un autre sur l’autorisation d’ouverture qui ira de pair avec l’accréditation de l’offre de formation. Ensuite, nous donnerons dans un arrêté la liste des diplômes autorisés : par exemple, il n’est plus question que des universités privées délivrent des doctorats. Ces diplômes seront délivrés à l’intérieur des écoles doctorales. Si une université privée se sent à la hauteur pour le faire, elle devra remplir les exigences des écoles doctorales », argumente-t-il.

Par ailleurs, un nouveau texte est en projet au sujet de l’autorisation d’enseigner et de diriger un établissement d’enseignement supérieur. Et les établissements privés seront régulièrement évalués.