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Découverte / Niger

Rabiou Abdou
« La réalisation du PDES est au cœur de notre stratégie »

Par Zyad Limam - Publié en avril 2023
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PRÉSIDENCE DU NIGER
Rabiou Abdou. PRÉSIDENCE DU NIGER

Le ministre du Plan souligne les objectifs et les enjeux du Plan de développement économique et social 2022-2026. Un instrument essentiel pour impulser une croissance durable et inclusive.

AM : Quel bilan peut-on faire des deux premières années de mandat du président Mohamed Bazoum sur les questions économiques et sociales ?

Rabiou Abdou : La dynamique de croissance de l’économie nigérienne s’est poursuivie, malgré la persistance des chocs exogènes. En effet, de 3,6 % en 2020, l’économie nigérienne a rebondi en 2022 avec un taux de croissance réel de 11,5 %. La dynamique de création de la richesse est portée par les investissements. En pourcentage du PIB, le taux d’investissement brut s’est établi à 31,7 % en 2020, 43,2 % en 2021 et 33,5 % en 2022. Ce taux est largement supérieur à la norme de 24 %, préconisée par la Banque mondiale pour amorcer une croissance économique permettant d’améliorer le bien-être de la population et de réduire significativement la pauvreté. Pour ce qui est de l’inflation, les opérations de vente à prix modérés des céréales, de distribution gratuite des vivres et de transfert de cash entrepris par le gouvernement, ainsi que l’amélioration de l’offre des produits maraîchers ont permis de contenir le coût de la vie. Et de maintenir, malgré l’ampleur du déficit céréalier de 2021 et la flambée persistante des prix des produits importés, un taux d’inflation (4,2 %) au Niger largement inférieur à la moyenne enregistrée dans l’espace UEMOA (7,4 %) en 2022. Enfin, grâce à la politique d’endettement prudent, le ratio de l’encours de la dette par rapport au PIB (50,8 % en 2021, et 52,2 % en 2022) reste en dessous de la norme communautaire de 70 %.

Quels sont les principaux axes, les priorités stratégiques, du Plan de développement économique et social (PDES) 2022-2026 ?

Le gouvernement a élaboré et adopté le Plan de développement économique et social 2022-2026, deuxième déclinaison quinquennale de la Stratégie de développement durable et de croissance inclusive (SDDCI) Niger 2035. Nous voulons, à travers ce PDES, apporter des réponses tangibles aux principaux défis identifiés pour maintenir une croissance moyenne de 9,3 % sur la période 2022-2026 et accroître de 7,7 % le PIB par habitant. Les priorités du PDES sont contenues dans trois axes stratégiques. Le premier, c’est le développement du capital humain, inclusion et solidarité, qui passera par l’éducation et la formation, la santé, l’accès à l’eau potable, l’hygiène et l’assainissement, la protection sociale, l’emploi, le genre, la jeunesse, les sports et la culture, la recherche et l’innovation au service de la transformation structurelle de l’économie. Le deuxième concerne la consolidation de la gouvernance, paix et sécurité, qui vise à garantir la paix, la sécurité, la justice et les droits humains, et à accroître l’efficacité des interventions de l’État et de ses partenaires sur ces questions. Et enfin, le troisième axe, c’est la transformation structurelle de l’économie, centrée sur le développement d’un secteur privé dynamique et sur la modernisation du monde rural, dont les orientations reposent essentiellement sur la stratégie nationale de sécurité alimentaire et de développement agricole durable (I3N).

L’agriculture, l’eau et le changement climatique sont des domaines prioritaires.SVEN TORFINN/PANOS-REA
L’agriculture, l’eau et le changement climatique sont des domaines prioritaires.SVEN TORFINN/PANOS-REA

La Table ronde des investisseurs et des partenaires au développement pour le financement du PDES 2022-2026, qui a eu lieu à Paris les 5 et 6 décembre 2022, a été un véritable succès, avec des engagements globaux de près de 45 milliards d’euros (dont 30 milliards d’investissements externes). À quoi attribuez-vous cette attractivité du Niger ?

Les acquis démocratiques de notre pays et les opportunités économiques évidentes constituent un atout essentiel. L’événement a vu la participation de 1 300 investisseurs de haut rang, provenant de 23 pays et 40 institutions internationales et organismes de développement. Il a été enregistré un taux de couverture des annonces et manifestations d’intérêt de 152 %. Le portage politique de la table ronde par le président de la République a été déterminant. Le chef de l’État a mené les travaux. Notre gouvernement s’est mobilisé, ainsi que l’ensemble de nos représentations diplomatiques à travers le monde. Nous avons présenté des options stratégiques pertinentes qui ont suscité l’adhésion de partenaires. En outre, la réalisation d’études de faisabilité en amont de plusieurs projets structurants a été fortement appréciée par les partenaires. La réalisation et la présentation, avec l’accompagnement de la Société financière internationale (SFI) et de la Banque mondiale, d’un diagnostic stratégique du secteur privé nigérien, mettant en évidence les opportunités, les atouts et les contraintes, ainsi que les réformes pertinentes programmées pour améliorer le climat des affaires, ont également facilité la prise de décision.

Le Niger a-t-il les moyens techniques et humains d’absorber ces investissements importants ? Je veux parler du taux de réalisation des projets.

Cela reste un défi majeur : améliorer notre capacité d’absorption des ressources mobilisées aux fins du développement économique et social attendu par nos populations. C’est une préoccupation constante du gouvernement. Nous avons instauré des contrats de performance pour l’ensemble du personnel des unités de gestion des projets, et organisé des revues annuelles conjointes sur les portefeuilles des projets. Un dispositif interministériel de suivi des réformes est également institué. La revue à mi-parcours prévue en 2024 permettra de rendre compte de l’état de mise en œuvre, et de mettre à jour les prévisions financières pour tenir compte des nouvelles opportunités économiques devant absorber toutes les ressources annoncées par les partenaires au développement. Par ailleurs, le suivi et l’évaluation seront renforcés à travers la mise en œuvre de la Stratégie nationale intégrée de suiviévaluation (SNISE), adoptée en janvier 2022. À cet égard, une plate-forme informatique a été mise en place pour permettre de collecter et d’analyser, sur une base trimestrielle, les données et informations sur l’exécution des projets et programmes et des réformes.

Le nouvel aéroport de Niamey, inauguré en 2019, porte d’entrée du pays.ZYAD LIMAM
Le nouvel aéroport de Niamey, inauguré en 2019, porte d’entrée du pays.ZYAD LIMAM

La question alimentaire est cruciale. Quels sont les enjeux particuliers en matière agricole ?

En matière agricole, les enjeux sont surtout liés à la maîtrise de l’eau et au changement climatique. Notre pays poursuit la mise en œuvre de la Stratégie agricole et nutritionnelle et développement agricole durable (SAN/DAD). Pour renforcer la production agricole pluviale, au cours de la campagne hivernale 2022-2023, le gouvernement a expérimenté un programme d’ensemencement des nuages, afin de réduire les poches de sécheresse durant la saison des pluies. Cela a contribué à l’augmentation de la production céréalière de 68,7 % en 2022, et à une contraction de 39,2 % du fait de l’arrêt précoce des pluies et de l’apparition de poches de sécheresse en 2021. Le gouvernement entend également mettre en œuvre des projets et programmes d’irrigation, afin de rendre la production agricole moins dépendante des aléas climatiques. On peut citer le programme « Un village agricole, un périmètre irrigué », qui permettra la pratique de l’agriculture sur toute l’année. Ce programme fait partie des 11 projets dont les études de faisabilité ont été réalisées et présentées à la Table ronde sur le financement du PDES 2022-2026. Le développement de l’agriculture ne peut pas se faire, enfin, sans un développement énergétique. Dans ce cadre, le Niger a pour ambition de porter le taux d’accès à l’électricité à 30 % en 2026 et à 80 % d’ici à l’horizon 2035 en améliorant le mix énergétique, contre 19,5 % aujourd’hui.

L’un des paramètres clés reste la transformation des matières premières. Sur quelles filières spécifiques le Niger pourrait-il compter pour développer une industrie nationale ?

Notre pays dispose d’avantages comparatifs certains et variés dans l’agriculture, l’élevage et les mines. Les capacités de transformation de ces filières à fortes valeurs ajoutées seront optimisées, notamment à travers la création des pôles agro-industriels intégrés dans le cadre du programme « Une région, une industrie ». Un accent particulier sera donc mis sur le développement des chaînes de valeur des productions agro-sylvo-pastorales et halieutiques (oignon, niébé, sésame, canne à sucre, souchet, poivron, pomme de terre, moringa, gomme arabique, agrumes, bétail/viande, production avicole et pintade, poisson, cuirs/peaux). La mise en œuvre des zones économiques spéciales, de réformes complémentaires de facilitation des échanges, d’incitations économiques et fiscales, d’accès aux marchés, puis d’infrastructures de soutien sera entreprise pour impulser une telle trajectoire.

L’apport du Niger à la réalisation du PDES doit venir des ressources pétrolières additionnelles. Où en sommes-nous de la construction du pipeline vers le Bénin (le plus long d’Afrique) ? L’accord avec la China National Petroleum Corporation (CNPC) est-il totalement bouclé ?

La dernière mission d’évaluation des travaux du projet de construction du pipeline Niger-Bénin, effectuée par le ministre du Pétrole, fait ressortir un taux d’exécution global de 70 % à fin février 2023. À la fin des travaux, la convention prévoit, de la part du gouvernement, une évaluation et un audit pour s’assurer de la conformité des coûts de réalisation des travaux. Le résultat de cet audit permettra de boucler définitivement l’accord.

Les seuls investisseurs présents dans le domaine pétrolier sont donc chinois. Comment mobiliser l’intérêt d’autres acteurs du secteur (français, américains…) ?

Au Niger, les textes en matière d’affaires ne présentent aucune disposition ou clause discriminatoire. Dans ce domaine, nous n’avons pas que les investisseurs chinois.D’autres partenaires sont impliqués dans la recherche. On peut citer par exemple Savannah Energy, Sipex, la filiale de Sonatrach (société algérienne) pour le bloc de Kafra dans la région d’Agadez, ou notre société nationale Sonidep (Société nigérienne du pétrole), détentrice de permis pour l’amont et pour l’aval, en charge de la commercialisation des produits pétroliers. Ce secteur est en pleine évolution. Et les projets ne manquent pas. Afin de créer les meilleures conditions pour les investissements privés dans le secteur pétrolier, le gouvernement a adopté plusieurs réformes, telles que le Code pétrolier en août 2017 et la politique pétrolière nationale en 2018. Pour susciter l’intérêt d’autres acteurs, le gouvernement a identifié de façon non exhaustive des opportunités d’investissement dans le secteur pétrolier. Par exemple, le cadastre pétrolier, le centre moderne de formation dans le domaine pétrolier (Institut national du gaz et du pétrole), l’amélioration de la connaissance du potentiel pétrolier du pays, le gazoduc trans-saharien (TSGP), le projet de mise en œuvre du potentiel de l’hydrogène, le projet de construction de dépôts de stockage de gaz de pétrole liquéfié, le projet de construction d’une centrale thermique à Ollelewa ( Zinder), etc.

Comment concilier développement durable, lutte contre le réchauffement climatique et exploitation pétrolière ?

Notre pays s’est doté de la Stratégie de développement durable et de croissance inclusive Niger 2035. C’est notre boussole. Cette stratégie intègre les objectifs de développement durable et place l’exploitation pétrolière au cœur de notre transformation structurelle de façon cohérente et harmonisée. Ce sont les retombées de l’exploitation qui permettront de financer et d’accroître significativement la part des énergies renouvelables dans notre mix énergétique. Un accent particulier sera également mis sur la lutte contre la désertification et le tarissement des cours d’eau, notamment dans le cadre d’initiatives régionales, telles que la Commission climat pour la région du Sahel ou l’initiative Grande Muraille verte.

Démographie et éducation semblent être au cœur du projet présidentiel. Comment faire en sorte de maîtriser l’un et favoriser l’autre ?

Dans l’orientation de sa politique éducative, le président de la République Mohamed Bazoum vise à agir indirectement sur la croissance démographique, notamment à travers le programme de scolarisation de la jeune fille. En effet, maintenir les filles à l’école permettra de réduire les mariages précoces et, à terme, permettra à la jeune fille de tracer son destin à partir d’un certain niveau d’instruction. L’inflexion attendue du taux de fécondité facilitera la prise en charge du financement de l’éducation.

La sécurité absorbe une part non négligeable des ressources de l’État nigérien (20 %). Quels sont les effets tangibles d’un tel effort national ?

Les résultats du coût de la gestion sécuritaire ont des effets directs. Le gouvernement assure le contrôle de l’intégrité de l’ensemble de notre territoire. Aucun espace nigérien n’est occupé par les groupes armés. Mieux, le gouvernement a engagé une stratégie de retour volontaire des populations déplacées, avec une mise à disposition de tous les services essentiels. Par contre, il est évident que cet effort budgétaire en matière de défense et de sécurité exerce un effet d’éviction certain sur le financement du développement.

Qu’attendez-vous aujourd’hui des partenaires extérieurs du pays. Quel message adressez-vous à vos partenaires régionaux et internationaux ?

Le Niger est à la croisée des chemins et fait face avec détermination à de multiples chocs sécuritaires, démographiques, climatiques. Nous avons élaboré et présenté à Paris, les 5 et 6 décembre 2022, les orientations stratégiques de notre pays. Tous les partenaires au développement ont adhéré au PDES 2022-2026 en tant que cadre de référence de leurs appuis à la politique économique, financière et sociale du Niger. Ils ont, de ce fait, encouragé le gouvernement dans la poursuite des efforts en matière d’investissements et de réformes dans les domaines prioritaires du PDES. C’est le point clé. Les ressources annoncées par les partenaires institutionnels et le secteur privé, une fois mobilisées, permettront d’impulser et d’accompagner la transformation structurelle de notre économie, de bâtir un capital humain de qualité, dans un environnement de paix et de sécurité, afin d’aboutir à l’amélioration du bien-être des Nigériennes et des Nigériens.