Raymonde Goudou Coffie
«Des bases solides sont posées pour la pérennisation de nos actions »
La ministre-gouverneure du district autonome des Lacs présente les enjeux de cette nouvelle entité territoriale et les projets qu’elle entend porter localement.
AM: Vous êtes ministre-gouverneure du district autonome des Lacs, dans le centre-est du pays, une entité créée en 2021 et voulue par le président Alassane Ouattara pour accélérer le développement régional. Pourquoi fallait-il cet échelon administratif, qui se place entre les conseils régionaux et les préfets, d’une part, et le gouvernement, d’autre part?
Raymonde Goudou Coffie: Comme vous l’avez indiqué, les districts autonomes sont de création récente, en application de la loi du 5 août 2014. Ainsi, dans sa vision de renforcer le maillage territorial de l’administration, le président de la République Alassane Ouattara a mis en place cette entité territoriale qui regroupe soit un ensemble de régions, soit un ensemble de départements, de communes et de sous-préfectures. Les districts autonomes visent donc à renforcer l’efficacité de l’action du gouvernement, en portant le développement et le progrès social dans des aires géographiques beaucoup plus étendues. C’est pour cette raison qu’ils ont la mission de coordonner, de suivre et d’évaluer la bonne exécution sur le plan local des programmes et projets, et de mener les actions de développement. Ainsi, ils viennent accélérer la politique de décentralisation entreprise depuis des années dans le pays.
La création de cette entité s’inscrit, selon le chef de l’État, «dans le cadre de la mise en œuvre de la politique de décentralisation et du développement local en vue de renforcer l’efficacité de l’action gouvernementale, le suivi et la bonne exécution des programmes et des projets». Quel rôle jouez-vous dans le développement économique et social local?
Notre rôle s’inscrit dans la vision de développement du président proposée dans le programme «Côte d’Ivoire solidaire». Le district autonome veille au contrôle et au suivi-évaluation des programmes et projets de développement dans le cadre de la décentralisation et de la déconcentration. En cela, la feuille de route du gouvernement élaborée chaque année nous sert de support d’orientation pour produire notre programme d’activités annuel soumis à la validation de la primature. Ainsi, nous travaillons en lien avec toutes les autres entités administratives, ainsi que la chefferie et les communautés locales, à créer ou consolider le climat de paix et de cohésion sociale. Je fais le suivi de la mise en œuvre du Plan national de développement (PND) au niveau local avec le comité de suivi mis en place. J’initie des missions de développement de partenariats pour promouvoir les potentialités du district autonome des Lacs, en vue de la création d’unités de transformation des produits locaux, qui ouvre des opportunités d’emplois pour les jeunes et les femmes. Je suis aussi très sensible à la question de l’excellence de l’éducation au sein de nos écoles et universités. Par ailleurs, en ma qualité de ministre-gouverneure, j’ai institué la cérémonie de l’excellence pour récompenser, chaque année, les meilleurs élèves des examens à grand tirage du district.
Avez-vous une marge d’appréciation et d’impulsion d’une politique de développement local?
Bien sûr. Nous souhaitons faire des trois régions, à savoir le Bélier, le N’Zi et l’Iffou, un pôle agropastoral. C’est en ce sens que les membres du conseil du district autonome des Lacs et moi-même avons créé un festival dénommé N’zrama Festival. La première édition, qui s’est tenue les 28, 29 et 30 juillet 2023, avait pour thème: «De la production à la transformation de nos produits agropastoraux». Au cours de ce rendez-vous culturel, nous avons mis en avant les potentialités du district, afin d’amener des investisseurs à s’y intéresser.
Quels sont les enjeux de développement?
Pour y faire face, le district autonome des Lacs a décidé d’élaborer un schéma directeur. Un cabinet d’études commis à cet effet, après qu’un appel d’offres a été mené, doit produire le rapport diagnostic. En attendant ce document final, nous sollicitons des investissements dans le domaine des infrastructures (routes, fournitures d’eau potable, d’électricité et d’assainissement), dans l’agriculture, le tourisme, l’industrie et les services pour améliorer la qualité de vie de la population. Autres enjeux majeurs dans notre région: l’éducation et la formation, l’accès aux soins de santé et le développement durable. Relativement à ce dernier sujet, nous devons faire face à des défis environnementaux, tels que la déforestation, la dégradation des terres et la pollution des ressources naturelles due à l’orpaillage illégal, notamment.
Comptez-vous développer des secteurs d’activités traditionnels, spécifiques à la région?
Nous avons en effet des savoir-faire traditionnels que nous voulons valoriser pour attirer des investisseurs. Au terme du N’zrama Festival, nous avons décidé de travailler sur l’agropastoralisme et nos potentialités agricoles, mais aussi sur la formation, car nous aimerions améliorer la qualité du pagne traditionnel baoulé, notamment la maîtrise de la teinture, et en faire un instrument de promotion culturelle et économique. Nous souhaiterions aussi enseigner aux nouvelles générations l’art oratoire et promouvoir la langue baoulé auprès des jeunes enfants.
Souhaitez-vous l’implantation de nouvelles activités dans votre district? Si oui, lesquelles?
Effectivement. Porter, par exemple, l’implantation d’unités de transformation de produits agropastoraux à l’échelle industrielle et semi-industrielle au profit des femmes et des jeunes. Et cela, pour la transformation des produits vivriers, maraîchers et de rente. Le secteur de l’agropastoralisme regroupe plusieurs métiers. C’est ainsi un domaine créateur d’emplois et un véritable accélérateur de l’autosuffisance alimentaire. Nous sommes en partenariat avec la région Normandie, en France, pour la formation des jeunes et des femmes, mais surtout pour encourager la construction de structures de formation professionnelle dans ce domaine. Nous y mettons le prix.
Comment voyez-vous évoluer le district autonome des Lacs à l’issue de votre mandat, dans trois ans?
Je souhaite que notre vision puisse prendre forme et se réaliser à l’issue de ce premier mandat. Le président de la République nous a fait confiance en nous nommant à ce nouveau poste. Il a fallu l’installer, créer la dynamique au sein du Conseil du district, afin que tout le monde se sente concerné par cette nouvelle entité territoriale. Nous avons identifié nos priorités, et la remise officielle du schéma directeur sera faite avant la fin de l’année, ainsi que la réactualisation des livres blancs. Nos femmes et nos jeunes sont intégrés dans les programmes d’autonomisation et d’employabilité mis en place par le gouvernement. Le district autonome des Lacs est donc en marche, et des bases solides sont posées pour la pérennisation de nos actions actuelles.