Résilience : un modèle dynamique contre la crise
Grâce à son économie diversifiée et à sa population industrieuse, le Cameroun a tenu bon face à la chute des matières premières et aux coûts de la lutte contre Boko Haram.
J’ai félicité les autorités camerounaises pour la résilience dont fait preuve l’économie camerounaise dans une conjoncture pourtant éprouvante. Le double choc lié au repli persistant des cours du pétrole et aux attentats terroristes dans l’Extrême-Nord représente en effet un redoutable défi. Pour le relever, les autorités ont entrepris d’adopter de vigoureuses mesures pour assurer la stabilité macroéconomique et promouvoir une croissance forte et inclusive. Le FMI apporte déjà un soutien important au Cameroun en termes d’assistance technique et de conseil pour aider le pays à relever ces défis et se tient prêt à l’appuyer davantage en cas de besoin. » Ainsi parlait Christine Lagarde, directrice générale du Fonds monétaire international, à l’occasion d’une visite au Cameroun en 2016. Elle s’étonnait alors de la capacité du Cameroun à faire face à la crise, alors que les autres pays de la sous-région sont quasiment en banqueroute. Abondant dans le même sens, le président Paul Biya estime que son pays a donné la preuve de la solidité de ses fondamentaux économiques : « Dans cet environnement international défavorable, notre économie a su résister. Elle a maintenu ses prévisions de croissance à 6 %, avec une inflation limitée à un peu moins de 3 %. Ni les dépenses supplémentaires occasionnées par l’effort de guerre contre le terrorisme, ni même les perturbations de l’activité économique dans les zones attaquées n’ont pu nous empêcher d’atteindre nos objectifs. »
Sur les ressorts de cette résilience enviée, les spécialistes sont unanimes. C’est grâce à la diversité de ses sources de croissance que le Cameroun a pu résister, mieux que les autres États. Pour le ministre des Finances Louis- Paul Motaze, cette performance s’explique essentiellement par la richesse du tissu économique camerounais et la culture industrieuse de ses populations. Comme l’expliquent les dirigeants de la Chambre de commerce, l’économie du Cameroun est la plus diversifiée d’Afrique centrale. À travers le pays, on compte des activités variées, dans les secteurs forestier et agricole, les hydrocarbures, l’industrie autour des boissons, huileries, savonneries, minoteries, aluminium, ciment, métallurgie, transformation du bois, etc.
Même si le secteur primaire reste la principale source de croissance, au-delà des activités extractives et sylvicoles qui représentent une rente pour l’État, le secteur agro-pastoral s’est considérablement développé sur plusieurs plans, avec non seulement une autosuffisance alimentaire, mais aussi plusieurs cultures de rente comme celle du cacao, du café, du coton, de la banane, ou encore de l’hévéa et de l’huile de palme, dont l’apport à la balance commerciale ou à la composition du PIB est considérable. L’agriculture seule, qui emploie près de 70 % de la population active, contribue pour 42 % à la formation du PIB national. De plus, avec 22 millions d’hectares de forêts, le Cameroun possède le deuxième plus grand poumon vert d’Afrique après la République démocratique du Congo. Et les exploitations forestières respectant les normes internationales sont également une source non négligeable de croissance. « Le secteur industriel se positionne au fil des années comme le véritable levier de la croissance.
L’agro-industrie est en plein essor et présente encore de nombreux chantiers inexplorés. D’autres industries de transformation comme la production d’aluminium, de cotonnades, et le raffinage du pétrole sont en expansion », explique un cadre de la Société nationale d’investissement, l’entité publique qui gère le portefeuille de l’État dans les entreprises. Selon une note d’analyse de la Banque africaine de développement, en 2017, le secteur primaire a bénéficié du dynamisme de l’agriculture vivrière avec la reprise progressive des échanges avec les pays voisins (Nigeria, RCA et Tchad) qui les avaient interrompus à la suite des crises sécuritaires aux frontières. Dans la sylviculture, la relance de la demande en Chine et en provenance des partenaires de l’Union européenne a aussi permis un regain d’activité.
De même, la pêche, notamment fluviale, connaît une hausse grâce à la valorisation des réserves d’eau du barrage de Lom-Pangar. L’agriculture industrielle d’exportation a connu une évolution en demi-teinte, marquée par la hausse de certaines productions (coton, cacao) mais également par la baisse de production du caoutchouc et du café.