Riziculture:
l’impératif de l’autosuffisance
Près de 3 millions de tonnes de riz ont été consommées en 2023. Le pays n’en a produit, cette même année, que 1,2 million. Un écart que le gouvernement ambitionne de combler à l’horizon 2030.
Nation agricole, la Côte d’Ivoire se heurte à un défi majeur: atteindre l’autosuffisance dans cette denrée. Qu’elle soit locale ou importée, la céréale, facile à cuisiner et peu onéreuse, se retrouve au quotidien dans les assiettes de millions d’Ivoiriens, avec une demande croissante causée par l’urbanisation rapide. Cependant, malgré le potentiel de la riziculture locale, le pays dépend encore largement des importations pour satisfaire les besoins de la population.
La problématique dure depuis des décennies. La Côte d’Ivoire importe la plus grande partie du riz consommé par la population. Au premier trimestre 2024, le gouvernement a encore dû régler une facture particulièrement salée: 140,59 milliards de francs CFA pour payer 346812 tonnes de riz. Un chiffre en baisse par rapport aux 431514 tonnes de mars 2023. Le riz vient principalement des pays asiatiques, comme le Vietnam ou la Thaïlande et l’Inde. Là-bas, la production, plus compétitive, bénéficie de techniques agricoles avancées et de rendements plus élevés.
Cette dépendance, de fait, rend vulnérable la Côte d’Ivoire aux fluctuations des prix de la céréale sur les cours mondiaux. Conséquence: il pèse sur le pays des incertitudes sur la sécurité alimentaire. Les crises politiques mondiales répétées, ces dernières années, celle du Covid-19 ou de la guerre en Ukraine, ont rappelé l’importance de produire localement pour éviter les pénuries.
UNE PRODUCTION ENCORE INSUFFISANTE
Riz africain, asiatique, l’hybride des deux (New Rice for Africa), gambiaka, WITA, pluvial ou irrigué… Les variétés de la céréale cultivées en terre ivoirienne sont nombreuses, mais peinent à s’imposer dans les assiettes des populations. Selon les chiffres du ministère de l’Agriculture et du Développement rural, la production nationale de riz paddy (riz non décortiqué) s’élevait à environ 1,2 million de tonnes en 2023. En augmentation par rapport aux années précédentes, mais encore insuffisante pour répondre à la demande intérieure. Quant au riz blanchi (consommable), sa production s’élève à 700000 tonnes environ, ce qui est loin de combler le besoin de consommation.
Le différentiel s’explique par le faible rendement des rizières ivoiriennes. La conjonction des méthodes agricoles traditionnelles, du manque d’irrigation, de la faiblesse des infrastructures et de l’accès limité aux intrants agricoles modernes (engrais, semences améliorées) en est l’une des principales raisons. Alors que le rendement moyen des rizières ivoiriennes est de 2 à 3 tonnes par hectare, il peut atteindre 7 à 8 tonnes dans certains pays asiatiques.
MULTIPLIER LES INITIATIVES
Dans le but d’atteindre l’autosuffisance, le gouvernement d’Alassane Ouattara a lancé plusieurs programmes pour renforcer la production locale de riz. Il s’agit, en 2018, du Programme national d’investissement agricole de deuxième génération (PNIA II), véritable figure de proue de cette nouvelle ambition affichée par les autorités ivoiriennes: stimuler la production agricole, en particulier celle de riz. Ce programme vise à moderniser les techniques de production, à améliorer l’accès aux intrants et à renforcer les infrastructures.
L’initiative pour la riziculture en Afrique CARD est une dynamique continentale qui vise à doubler la production. De manière concrète, la CARD soutient la mise en oeuvre des politiques nationales, parmi lesquelles celle de la Côte d’Ivoire. C’est dans ce cadre que le pays a lancé des projets de développement de rizières irriguées, à travers le programme SNDR II (Stratégie nationale de développement du riz 2020- 2030), notamment dans les régions du nord et du centre, où les conditions climatiques sont particulièrement favorables.
L’autosuffisance passe aussi par la transformation, et les autorités ivoiriennes l’ont bien compris. Le 1er août 2024, en Conseil des ministres, le gouvernement a annoncé la création de dix unités industrielles de transformation de riz dans des villes telles que Ferkessédougou, Saïoua ou encore San- Pédro. Toutes seront dotées d’une capacité de transformation de 5 tonnes par heure.
Autre pan de la stratégie pour booster la production locale: la mise en place de partenariats avec des acteurs privés. En 2021, par exemple, un accord a été signé avec l’entreprise marocaine OCP Africa. L’objectif est de fournir des engrais adaptés aux cultures locales. Des investissements ont par ailleurs été réalisés dans les infrastructures de transformation, notamment dans le but d’améliorer la qualité du riz produit localement.
L’ANADER, Agence nationale d’appui au développement rural, a aussi un rôle à jouer pour vulgariser les bonnes pratiques agricoles. Les producteurs peuvent, grâce à elle, bénéficier de formations pour améliorer les techniques de culture, notamment la gestion des sols et l’utilisation de semences améliorées.
Moderniser les techniques agricoles, renforcer les infrastructures et améliorer l’accès aux financements pour les petits producteurs: pour arriver à l’autosuffisance, ces trois objectifs doivent être combinés. Avec, à la clé, la réduction de la dépendance aux importations, mais aussi et surtout, la garantie d’une sécurité alimentaire durable pour la population ivoirienne. Les efforts conjoints du gouvernement, des acteurs privés et des partenaires internationaux seront essentiels pour atteindre cet objectif à long terme.