Salif Keita
Entre quatre murs
C’est dans une chambre d’hôtel japonaise que le légendaire chanteur malien a enregistré ce nouvel album célébrant son amour de la guitare. Rencontre.

Blouse Blanche brodée de doré, lunettes noires, humilité souriante. Salif Keita est face à nous, dans les loges de Radio France. Il se prépare à interpréter quelques titres de son nouvel album, So Kono, où il reprend, en plus d’une poignée d’inédits, des chansons déjà bien connues: «Tassi», «Soundiata» ou encore «Laban». Sa voix y résonne au plus près des cordes, parfois accompagnée de Badié Tounkara au ngoni et de Mamadou Koné aux percussions. Cette approche épurée fait toute la force de ce disque qui confirme le charisme du chanteur, descendant de l’illustre souverain mandingue Soundiata Keita.
AM: So Kono, «dans la maison» en mandingue, est en effet très intime. Pourquoi le choix de cet enregistrement en solitaire, ou presque?
Salif Keita: On m’a souvent demandé de montrer comment je composais mes morceaux, qui naissent quand je suis seul avec ma guitare. Et c’est une fois que j’ai trouvé mes mélodies que les paroles me viennent… Je l’ai toujours dit, la guitare est ma première femme. Ma moitié! Cette complicité, c’est ce que je voulais partager avec So Kono. Réinterpréter ces morceaux m’a aussi rappelé les moments durant lesquels je les ai composés, les émotions qui m’animaient souvent, chez moi, dans mon village au Mali, au bord du fleuve.
Cet album, vous l’avez enregistré et produit dans une chambre d’hôtel à Kyoto, ville hautement spirituelle…

Nous avons visité des temples, avons découvert l’originalité de la culture japonaise, qui élève l’âme, invite à la méditation. D’autant que, lorsque je compose, je suis vraiment habité par la spiritualité héritée de mes ancêtres mandingues. Quand on est albinos et qu’on est ostracisé dès le plus jeune âge, ce qui a été mon cas, cette croyance-là est précieuse. Même si les albinos sont moins persécutés aujourd’hui et que des associations se sont créées pour lutter contre cette discrimination…
La musique, c’est votre maison à vous?
Oui, elle m’a prouvé que je n’étais pas venu au monde par hasard. Que je devais assumer ma destinée. Et même quand je suis loin de chez moi, elle me permet de ne pas me sentir seul.