Aller au contenu principal
Shabaka.ATIBA JEFFERSON
Shabaka. ATIBA JEFFERSON
Rythmes

Shabaka
Flûte enchantée

Par Sophie Rosemont - Publié en avril 2024
Share

Après quelques saisons de réflexion, le Jazzman Britannique propose un premier album, à la fois solo et collaboratif, d’une rare beauté contemplative.

SHABAKA, Perceive its Beauty, Acknowledge its Grace, Impulse! Sortie le 12 avril.DR
SHABAKA, Perceive its Beauty, Acknowledge its Grace, Impulse! Sortie le 12 avril.DR

EN 1959, quelques années après ses débuts au sein du prestigieux label Blue Note, dont il a contribuéàla patte sonore, Rudy Van Gelder a construit son propre studio qui a vu défiler John Coltrane (pour A Love Supreme, tout de même), Herbie Hancock, Sonny Rollins ou encore Miles Davis. Autant d’idoles hantant ces murs entre lesquels est venu enregistrer Shabaka Hutchings. Figure de la néo-scène jazz londonienne, où il s’est fait connaître grâce à son groupe Sons of Kemet, il a passé une partie de son enfance à la Barbade, terre d’origine de ses parents, avant de se dévouer très tôt à la musique classique et au jazz, via la clarinette et surtout le saxophone. En 2024, c’est un nouveau départ qu’il s’offre avec Perceive its Beauty, Acknowledge its Grace («Percevez sa beauté, reconnaissez sa grâce»)  ne fût-ce que le titre est prometteur ! S’écartant du saxo au profit des flûtes, Shabaka, qui ne garde ici que son prénom, en explore tout le potentiel mélodique et rythmique, du shakuhachi nippon aux flûtes drones mayas de Teotihuacan, en passant par les pifanos brésiliens et les quenas sud-américaines.

Autour de ce postulat, le musicien invite au studio Rudy Van Gelder des complices artistes le temps de onze morceaux, dont l’humilité n’efface guère la dextérité déployée au gré du pouvoir hypnotique des flûtes enchantées. On entend donc les voix ou les instruments de Lianne La Havas, la bassiste et contrebassiste Esperanza Spalding, André 3000 d’OutKast, Floating Points, le maître de l’ambient Laraaji, le chanteur Moses Sumney, le poète touche-à-tout Saul Williams…

Si le casting est étoilé, le résultat brille d’un minimalisme convoquant tant l’afrocentrisme de certains de ses modèles que notre propre vécu émotionnel. De la beauté et de la grâce, il s’agit bien de cela.