Siân Pottok
Le coeur battant de sa musique pop hybride et métissée est le kamele n’goni, une harpe-luth du Mali. La chanteuse et musicienne, qui a grandi entre l’Amérique, l’Europe et l’Asie, tisse ainsi un lien spirituel avec ses origines africaines.
Elle n’a pas grandi en Afrique, mais elle s’y sent «enracinée, à la maison», éprouvant un sentiment «mystique». Née en Floride d’une mère indo-congolaise et d’un père belgo-slovaque, la chanteuse et musicienne Siân («Jeanne» en gallois) Pottok a vécu son enfance entre Singapour, l’Indonésie, les États-Unis et la Belgique, bercée notamment par les musiques du continent (Papa Wemba, Miriam Makeba…). Aujourd’hui, les cordes de son kamele n’goni, harpe-luth du Mali, sont autant de fils qui la relient à ses racines africaines. Il y a quelques années, quand le maître malien Abou Diarra lui a fait découvrir l’instrument au son cristallin et délicat, ce fut le coup de foudre. «C’est un partenaire de vie. Le kamele n’goni mélange l’harmonie et le rythme; d’un point de vue spirituel, il me connecte à ce continent, à la fois étranger et familier. Quand je joue, je me sens libre.» Si elle apprend le répertoire traditionnel et projette de s’immerger au Mali pour se perfectionner, ses compositions s’inspirent de son jeu à la guitare folk. Métissage musical réussi, riche en textures et ambiances, son premier album Deep Waters prévu en novembre prochain, et dont quelques titres sont déjà sortis mêle l’acoustique de cette harpe à des sons électro, des couleurs pop, ou encore un quintet à cuivres classique. Se livrant à l’introspection, explorant une palette d’émotions, l’artiste honore la force guérisseuse de l’eau; dans «Rain», elle célèbre la danse sous la pluie, «cet état d’euphorie, d’insouciance». «Kuwa Mbali Sana», qui signifie «être très loin» en swahili – la langue de sa mère, originaire de l’est de la RDC , évoque la nécessité «de rompre les frontières en soi pour avancer». Élevée dès son plus jeune âge aux quatre coins du monde, Siân Pottok a développé une capacité d’adaptation, un sens de la débrouillardise. Ses parents lui ont appris la tolérance, l’acceptation de l’autre, de la différence. Aux côtés des musiques africaines, la variété française, le folk et le rock anglo-saxons tournent sur la platine familiale. À 6 ans, elle apprend le violon à l’école publique américaine. «Aux États-Unis, l’art et la musique font partie du cursus scolaire. C’est ainsi qu’un enfant peut vraiment s’exprimer.» Après le violoncelle et le piano, le chant s’impose à l’adolescence – rythmée par les voix soul et R’n’B de Toni Braxton ou Whitney Houston. Après des études de langues en Belgique, elle étudie le jazz vocal à Paris au conservatoire Nadia et Lili Boulanger. En 2005, elle réalise son rêve d’enfant: jouer dans une comédie musicale, avec Attention! Mesdames et Messieurs, de Michel Fugain, puis Piaf, je t’aime en 2007. De retour outre-Atlantique, à New York, elle apprend la guitare en autodidacte. Voie d’expression, de libération, aux vertus thérapeutiques, la musique lui permet de partager et d’échanger avec les autres. Aussi, elle mène des actions culturelles pour des ONG ou d’autres structures (Ehpad, écoles, etc.). Elle a ainsi sillonné l’Afrique australe à la rencontre d’enfants et de femmes de quartiers défavorisés, pour un projet croisant atelier musical et exposition photographique. «C’est très émouvant d’échanger avec des personnes qui n’ont pas forcément accès à l’art. On apprend tellement d’elles.»