Stratégie : Le PND fixe le cap
Le Plan national de développement 2021-2025 s’appuie sur un EFFORT MASSIF D’INDUSTRIALISATION.
Objectif : pousser et accompagner l’émergence d’une classe moyenne nombreuse.
Bâtir le futur avec 59 000 milliards de francs CFA. Soit 105 milliards de dollars. C’est l’imposant montant d’inves tissements à mobiliser par le gouvernement pour concrétiser le Plan national de développement (PND) 2021-2025, adopté le 22 septembre dernier. Celui-ci prévoit de « réaliser la transformation économique et sociale nécessaire pour hisser la Côte d’Ivoire, à l’horizon 2030, au rang des pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure ».
Signe d’une grande confiance dans l’avenir de la Côte d’Ivoire en ces temps de pandémie, le PND est d’une ampleur inégalée. L’enveloppe financière à réunir est presque deux fois plus élevée que celle du précédent plan (2016-2020), qui n’avait levé « que » 33 000 milliards de FCFA d’investissements. Pourtant, le pays, qui programme « d’accélérer la marche vers l’émergence », revient de loin. « En 2011, après une décennie de crise, notre nation était à genoux et semblait l’être pour longtemps. Le PIB par habitant était retombé à son niveau de 1961, plus de la moitié de la population vivait sous le seuil de pauvreté […]. Nous avons effacé ces temps de drame en dix ans, au prix d’un effort collectif inouï », insistait Patrick Achi, le Premier ministre, le 8 novembre dernier.
Aujourd’hui, selon les Nations unies, elle figure parmi les 12 économies à plus forte croissance de la planète, avec un PIB réel gratifié d’une hausse moyenne annuelle de 8,3 % entre 2012 et 2019. L’objectif est de conserver cette dynamique et de l’amplifier. Le préambule du PND 2021-2025 prévoit « qu’à l’horizon 2030, l’économie ivoirienne soit structurellement transformée, modernisée et industrialisée, et que le peuple ivoirien soit majoritairement affranchi de l’extrême pauvreté et de la vulnérabilité ». Le plan doit ainsi faire émerger « une classe moyenne jouissant de revenus adéquats et bénéficiant des services publics économiques et sociaux essentiels qui assurent le confort et la qualité de la vie ».
Féru de planification, le pays enchaîne son troisième PND depuis 2012. Celui qui s’ouvre verra le taux d’inves tissement s’envoler, pour passer de 23,1 % du PIB en 2021 à 27,1 % en 2025. Un effort incomparable est attendu du secteur privé : 74 % des investissements du PND (43 647 milliards de FCFA) reposent sur ses épaules. Soit près de 9 000 milliards de FCFA à mobiliser par an. De son côté, le secteur public investira 26 % Stratégie Le PND fixe le cap Le Plan national de développement 2021-2025 s’appuie sur un EFFORT MASSIF D’INDUSTRIALISATION. Objectif : pousser et accompagner l’émergence d’une classe moyenne nombreuse. par Jean-Michel Meyer du PNB (15 353 milliards de FCFA). Dans ce but, l’État prévoit de recourir aux marchés financiers et d’augmenter la pression fiscale de 12,2 % à 13,3 % du PIB, loin des 20 % de la norme communautaire de l’Union économique et monétaire ouestafricaine (UEMOA).
Le plan prévoit des réformes structurelles de l’État (digitalisation de l’administration…), mais aussi une modernisation sans précédent de l’ensemble de la société. Le PND recense ainsi des pans entiers de l’économie (agriculture, énergie, industrie, transports, entrepreneuriat, numérique, villes durables, intégration régionale…) et du social (emploi des jeunes et des femmes, éducation, enseignement supérieur, logement, accès à l’eau et à l’électricité, salubrité, justice, cohésion sociale, droits humains, etc.) qui bénéficieront des milliards investis. Avec ce coup de fouet, le taux de croissance annuel moyen est attendu à 7,65 % durant le PND, contre 5,9 % entre 2016-2020. Côté social, le revenu par habitant doit passer de 1 736 dollars en 2020 à 2 240 dollars en 2025, puis grimper à 3 472 dollars en 2030. À la fin du plan, l’économie devrait avoir créé 5 millions d’emplois, et le taux de pauvreté devrait être ramené à 30 % en 2025 contre 39,4 % en 2018.
L’AUTOSUFFISANCE EN RIZ POUR 2025
La réussite du PND repose sur les activités clés de l’économie. L’agriculture (4 %), l’industrie (11 %), les mines (10 %), les hydrocarbures (10 %) et les transports (10 %) s’arrogent 45 % des investissements prévus. L’agriculture, qui emploie plus de 5 millions de personnes, est un pilier national majeur. La Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial de cacao et de noix de cajou, et se trouve au cinquième rang pour l’huile de palme et le caoutchouc naturel. Mais elle est aussi le premier producteur africain de bananes et le troisième de coton. L’ambition du PND « est de garantir la compétitivité et la durabilité de l’agriculture afin d’assurer la sécurité alimentaire, tout en créant des richesses équitablement partagées ». Une volonté qui s’appuie sur trois axes : améliorer la productivité de 100 % sur cinq ans pour augmenter la compétitivité des produits ; accroître la transformation locale, avec la montée en puissance d’une industrie nationale ; et assurer l’intégration de l’agro-industrie dans les circuits mondiaux de distribution et de commercialisation.
Outre la hausse des productions agricoles de 7,5 % en moyenne par an et l’amélioration du rendement des principales cultures vivrières (manioc, maïs, banane plantain, igname…), le défi décisif du plan consiste à bâtir une industrie de transformation locale, diversifiée et génératrice de valeur ajoutée, basée sur « le cacao, le café, la noix de cajou, le coton, l’horticulture (mangue, ananas…), le caoutchouc et l’huile de palme ». L’autosuffisance en riz est programmée pour 2025, la céréale locale approvisionnant 95 % du marché ivoirien. « Il faut une chaîne de valeur forte, qui puisse être attractive pour transformer les produits agricoles et créer de la richesse partagée », confirme Akinwumi Adesina, le président de la Banque africaine de développement (BAD), qui s’est engagée à soutenir le plan.
Autre activité clé : l’industrie, « capable d’accélérer le processus de transformation structurelle de la Côte d’Ivoire », assène le PND. Un fonds d’investissement et de développement industriel (FIDI) État-secteur privé verra le jour, avec une enveloppe de 1 000 milliards de FCFA sur cinq ans. Des activités prioritaires ont été identifiées, « les produits cosmétiques, le caoutchouc, le textile et les matériaux de construction ». Mais aussi « les industries pharmaceutiques, électroniques et automobiles » et « des niches de croissance » : économie numérique, tourisme et hôtellerie, industries des arts et culturelles.
ÉPAULER LES DÉPARTEMENTS COMPÉTITIFS
Le plan met l’accent sur des secteurs présentant un avantage compétitif, tels les produits cosmétiques à base de beurre de cacao, « dans les soins pour la peau et les produits capillaires », exportés à 85 % vers la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Ils pourraient aussi être vendus aux diasporas africaines des États-Unis et d’Europe, même si « la recherche et développement ainsi qu’une meilleure promotion et une image de marque sont nécessaires pour que les cosmétiques ivoiriens puissent concurrencer les marques mondiales établies ».
Dans le textile, « la Côte d’Ivoire est l’un des deux seuls pays africains à produire du tissu imprimé à la cire », étroitement associé à l’identité continentale, mais elle est très concurrencée par les produits chinois. « L’industrie peut accroître sa compétitivité en renforçant la reconnaissance de la marque, en améliorant la qualité et en augmentant le nombre de modèles pour barrer la route aux contrefaçons chinoises », préconise le PND. Enfin, dans l’extraction des ressources du sous-sol (or, manganèse, nickel, bauxite), le pays veut renforcer sa présence dans l’exploration, l’exploitation, mais aussi la transformation. Idem avec le pétrole, il souhaite s’ériger en « hub régional ». Tel un cadeau inattendu, une « découverte majeure » de pétrole et de gaz naturel a été annoncée en septembre dernier. Elle pourrait rapporter de 106,5 à 142 milliards de dollars pour l’or noir et jusqu’à 25 milliards de dollars pour le gaz, à condition que la rentabilité des gisements soit prouvée.
Pour l’instant, le gouvernement mène campagne pour séduire le secteur privé. Le 10 novembre 2021, le président de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire, Jean-Marie Ackah, a confirmé « la disponibilité du secteur privé à prendre toute sa part dans la réalisation des ambitions de développement et de progrès ». Car « il s’agit de conférer une dimension stratégique au partenariat public-privé comme moteur des transformations structurelles et culturelles tant espérées ».
Sur le volet international, le premier Forum d’affaires et d’investissements entre la Côte d’Ivoire et l’Amérique du Nord, qui s’est déroulé à la mi- novembre 2021 à Abidjan, a enregistré des intentions d’investissements nord-américains à hauteur de 19 milliards de dollars. Une délégation ivoirienne est également active à l’Expo 2020 Dubaï, qui se tient jusqu’au 31 mars 2022, et entend réunir autour de 2 milliards de dollars d’intentions d’investissements. Enfin, une table ronde des bailleurs de fonds, dans le courant du premier trimestre 2022, constituera le point d’orgue de la stratégie du gouvernement pour embarquer de futurs investisseurs internationaux dans la réalisation du PND 2021-2025.