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Sur l’autoroute du Net

Par - Publié en mai 2018
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Connectés AU CÂBLE SOUS-MARIN qui relie la France et l’Afrique du Sud depuis 2013, trois millions d’utilisateurs ont déjà accès au réseau à des tarifs préférentiels. 
 
Il y a à peine cinq ans, pour les 200 000 internautes guinéens, le haut débit était le fantasme absolu. Le Graal ? Une connexion Internet rapide et durable. Toute communication téléphonique internationale et la moindre connexion passaient par le satellite, avec ses aléas en termes de qualité, d’attente et surtout de coût. Bref, la Guinée était peu et mal connectée au monde et l’internaute avait mille et un soucis pour ouvrir une page Internet. En décembre 2012, le gouvernement s’intéresse au projet de câble sous-marin Africa Coast to Europe (ACE) reliant la France à l’Afrique du Sud, sur 17 000 kilomètres, en passant par le Portugal et les côtes africaines de l’océan Atlantique. 
Le consortium ACE est constitué par les opérateurs de télécommunication et les pays membres (dont 21 africains) ayant contribué au financement du projet. Coût de l’investissement : 700 millions de dollars. L’État guinéen, grâce à un financement de la Banque mondiale de 25 millions de dollars, s’associe avec les opérateurs de téléphonie mobile pour prendre 5 % du capital d’ACE avec 34 millions de dollars. 
 
Smartphones
En 2013, la Guinée est enfin reliée au monde. En quelques semaines, la capacité passe de 50 mégabits à 18 gigabits, soit une puissance multipliée par 360. Une société anonyme, baptisée la Guinéenne de Large Bande (Guilab), voit le jour dont le capital est réparti entre l’État (52 %) et huit opérateurs de télécommunication agréés en Guinée qui se partagent les 48 % restant. Son activité est de maintenir en état de marche l’infrastructure « avec pour objectif zéro panne, zéro blackout, affirme Mohamed Diallo, 41 ans, directeur général de Guilab, car un jour sans Internet constitue une perte sèche de 500 000 dollars pour nos actionnaires, les opérateurs de téléphonie qui commercialisent Internet. Quant à l’économie guinéenne, les pertes sont difficilement chiffrables, car le système financier et le commerce international guinéen sont directement touchés ». La station centrale de Guilab abrite deux groupes électrogènes disposant chacun d’une cuve de 12 000 litres de carburant, soit une autonomie de trois mois en cas de défaillance du réseau national d’électricité. La jonction guinéenne de l’ACE a permis aux internautes guinéens de passer de 200 000 usagers à plus de trois millions, avec l’objectif annoncé par le président Alpha Condé lors de l’inauguration de la Semaine du numérique, le 17 avril à Conakry, de parvenir à sept millions à l’horizon 2020. « C’est un objectif réaliste, analyse Mohamed Diallo. Le taux de pénétration de l’Internet est porté par les terminaux mobiles or le nombre d’abonnés à la téléphonie a atteint 10 millions, l’écrasante majorité disposant de smartphones. Grâce au câble ACE, Guilab et les opérateurs ont démocratisé Internet avec une sensible diminution du prix de la bande passante à 2000 francs guinées [2 centimes d’euro, NDLR] la seconde, « aucun pays de la sous-région ne peut en dire autant » affirme fièrement Mohamed Diallo. Par ailleurs, l’État devrait proposer, dans quelques mois, de nouvelles licences pour la 4G aux opérateurs. 
 
... Et fibre optique 
Outre la téléphonie mobile, l’État a misé sur la fibre optique dont plus de 4 500 kilomètres maillent le territoire. » Une analyse économique de l’investissement montre sa rentabilité. Les 34 millions de dollars de prise de participation dans le câble sous-marin sont d’ores et déjà amortis. Mohamed Diallo en explique les raisons. « Si l’on devait réaliser la même performance, c’est-à-dire passer d’une capacité de 50 mégabits à 18 gigabits par le satellite, il aurait fallu mobiliser plus de 100 millions de dollars, soit trois fois la mise initiale dans le câble. » L’équipe technique de Guilab, constituée de huit ingénieurs en télécoms et trois techniciens, tous guinéens, formés en Guinée spécifiquement à l’usage des derniers outils d’exploitation et de maintenance des stations d’atterrissement, travaille en astreinte (3 fois 8) pour s’assurer en permanence de la qualité du réseau au profit des opérateurs et des usagers. 
Guilab est en état de grâce. Au cours des quatre dernières années, sa croissance a été de 40 % par exercice, passant de 13 milliards de francs guinéens, en 2013, à 40 milliards en 2017. « Notre objectif est d’arriver à 50 milliards afin de réduire davantage les coûts pour les usagers. Cela n’exclut pas les investissements. Pour éviter les pannes en amont (le 31 mars il y a eu rupture du câble au large de la Mauritanie) Guilab compte s’associer au projet de doublement du câble ACE qui devrait être posé en 2019 ».