Tony Allen,
vivant pour toujours

Un an après la disparition du batteur nigérian, cet album donne la parole à de jeunes artistes qu’il souhaitait accompagner de ses grooves légendaires. Précieux.
L’ANNONCE DE SA MORT, le 30 avril 2020, alors qu’il devait fêter ses 80 ans, a été une secousse. Comment croire que le Tony Allen que l’on avait eu la chance de rencontrer quelques mois plus tôt, vu jouer sans faillir tant de fois, toujours tout sourire et malice, s’était éteint ? D’autant que le plus grand batteur du monde avait une foule de projets en tête. Comme celle de proposer à de jeunes artistes évoluant au sein des sphères urbaines de s’exprimer sur des beats concoctés sur mesure par ses soins. Qu’à cela ne tienne, les producteurs Vincent Taeger, alias Tiger Tigre, et Vincent Taurelle ont décidé que ce disque aurait lieu, quoi qu’il arrive : « Tous les grooves ont été créés par Tony avant sa mort, et il avait sélectionné de nombreux invités parmi les rappeurs et chanteurs que nous avons utilisés. Les beats collaient parfaitement quand nous avons recommencé la production quelques semaines après son décès, et qu’il a fallu marier ses grooves avec les voix… » Ainsi, There Is No End brille par la richesse de son expressivité, chaque intervenant étant conscient de l’importance de sa mission. Avec « Cosmosis », le romancier et poète nigérian Ben Okri, aux côtés du rappeur britannique Skepta, perdure ce que Allen proposait au monde : une dimension parallèle capable d’illuminer nos jours moroses, d’avoir foi en l’avenir.

Lui qui voulait « ramener les jeunes rappeurs à la maison » réussit, même après sa mort, à fédérer. Ce que l’on entend effectivement sur le hip-hop tendance G-funk de « Rich Black » (feat. Koreatown Oddity), plutôt synthétique de « Coonta Kinte » (feat. Zelooperz), de profundis grâce au flow de Danny Brown sur « Deer in Headlights ». Brillent aussi le futurisme spirituel de « Stumbling Down », porté par la rappeuse Sampa the Great, ou l’afro-trap en mode swahili sur « Mau Mau », avec la chanteuse kenyane Nah Eeto. Ici, on chante des quatre coins du monde avec, en tête, le jeu de batterie elliptique, fantastique et profondément généreux de Tony Allen. Et en effet, « there is no end » (« il n’y a pas de fin ») : même après sa mort, les précieuses leçons du musicien continuent de porter leurs fruits.