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Un nouveau souffle pour les plus fragiles

Publié en août 2019
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La pauvreté se présente comme un phénomène complexe. Le Projet filets sociaux productifs (PFSP), initié depuis 2015 en faveur des plus démunis, donne déjà des résultats. Et son application va être élargie.
 
L es programmes de filets sociaux se multiplient sur le continent depuis les années 2000, et font aujourd’hui partie des stratégies de développement de certains pays. Cette expansion a eu lieu en même temps que d’importants investissements dans les principaux instruments de ces plans : systèmes de ciblage, registres sociaux et mécanismes de paiement. Ceux-ci ont contribué à les renforcer et à les rendre plus efficaces. La Côte d’Ivoire a fait son entrée dans ce vaste programme en 2015, avec une phase expérimentale concernant 35 000 bénéficiaires parmi les plus pauvres, entre 2015 et 2018.
Ne pas abandonner à leur sort les plus démunis… Le Projet filets sociaux productifs (PFSP), financé par la Banque mondiale à hauteur de 25 milliards de francs CFA pour cinq ans (avec un apport additionnel estimé à 50 milliards), cible essentiellement les populations pauvres en milieu rural. Ce sont les laissés-pour-compte de la croissance économique de ces dernières années qui forment le taux de pauvreté annuel de 46 %. Pour améliorer leurs conditions de vie, ces ménages vont bénéficier de mesures d’accompagnement et d’un apport financier de 36 000 francs CFA par trimestre jusqu’en 2020. Après une enquête de l’Institut national de statistique (INS), 73 576 ménages ont été déclarés éligibles (sur 92 640), rapporte le coordinateur de ce programme, Koné Kipeya. Pour sa première phase, 35 000 ménages ont été sélectionnés dans 540 villages concernés. Et cela marche ! Les administrateurs du PFSP se réjouissent : les premiers résultats semblent satisfaisants, et les bénéficiaires ont « joué le jeu ». Dans plusieurs villages, de bonnes pratiques d’inclusion sociale et productive ont été développées par certains après les premiers paiements. Il s’agit, entre autres, de la constitution en associations ou en coopératives agricoles et de la création ou de l’agrandissement de champs, de fermes avicoles ou de porcheries. Au total, 5 milliards de francs CFA ont ainsi été alloués à ces ménages entre 2015 et 2018. Pour l’année 2019, 15 000 ménages supplémentaires ont été enregistrés et sont pris en compte, portant ainsi le nombre de bénéficiaire à 50 000.
En attendant, le partage des fruits de la croissance avance, et l’objectif du PFSP permet, en matière d’équité, de garantir que les ménages les plus vulnérables et les plus pauvres soient en mesure d’atteindre un niveau minimal de consommation et de satisfaire leurs besoins essentiels. Cela s’avère capital dans les régions à faible revenu, explique Yves Kouamé, assistant social. S’appuyant sur le cas des pays voisins, ce dernier estime que les filets sociaux permettent de stimuler la consommation et de réduire ainsi la pauvreté. Et démontre, en citant un rapport de la Banque mondiale intitulé « Les filets sociaux en Afrique : Comment réaliser pleinement leur potentiel ? », que, déjà en 2011, l’effet direct des transferts destinés aux ménages ruraux en Éthiopie, via le programme de filets sociaux productifs et de l’aide alimentaire, a été estimé à une réduction de 1,6 point du taux de pauvreté national. C’est pourquoi il se réjouit, même si le montant « peut paraître dérisoire », que les ménages ivoiriens ne consacrent pas tout l’argent des transferts monétaires reçus à l’achat de biens de consommation. « Ils en réservent une partie à des investissements productifs, à des dépenses ponctuelles, comme les frais de scolarité, ou à l’épargne. » Mais il est encore un peu tôt pour se frotter les mains, prévient Hervé Tanoh, expert des questions sociales. « Le programme est à son début. Même s’il est prometteur et semble mieux cadré, du fait du contrôle de la Banque mondiale, il faudra attendre et continuer à former un plus grand nombre d’agents communautaires en vue du suivi des bénéficiaires. Moins de 1 000 agents communautaires pour encadrer 50 000 bénéficiaires me paraît insuffisant, et il en faut plus pour de meilleurs résultats », préconise-t-il.
 
Une volonté politique manifeste
Après cette première phase satisfaisante, le chef de l’État, Alassane Ouattara, a décidé de faire passer le nombre de bénéficiaires de 35 000 à 100 000 ménages et ce, jusqu’en 2023. Les zones concernées sont le centre, le nord et l’ouest. Ce choix a été motivé au regard des taux de pauvreté les plus hauts et de malnutrition élevés, ainsi que des faibles taux d’accès aux services sociaux de base de la santé et de l’éducation. Cette volonté politique manifeste, portée par la ministre de la Solidarité Mariatou Koné, est favorisée par le fait que les données de la Banque mondiale démontrent que cette première phase a un impact productif, à travers les investissements dans le capital humain et le capital productif. Les réussites dans la mise à l’échelle rapide de ce programme sont bien présentes sur le continent, comme on peut le voir avec le Ghana, le Kenya, le Sénégal et la Tanzanie. Ces pays dépensent en moyenne 1,2 % de leur produit intérieur brut (PIB) pour les filets sociaux, là où la Côte d’Ivoire reste encore entièrement dépendante de l’aide extérieure – contribuant seulement à hauteur de 10 % du financement, soit 2,5 milliards de francs CFA. Dans sa vision, la Côte d’Ivoire mise stratégiquement sur un Registre social unique (RSU) des ménages pauvres et vulnérables, afin de mieux cerner et encadrer les bénéficiaires.