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Un trafic oublié

Par Emmanuelle Pontié - Publié en juin 2024
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C’est un fléau au quotidien, qui se développe, croît et empire tranquillement d’années en années. Entre les coups d’État, les guerres, le terrorisme, les sécheresses et autres actualités alarmantes qui frappent le continent, on l’a presque oublié. Pourtant, le trafic de médicaments et les contrefaçons explosent en Afrique de l’Ouest, et font environ 500000 victimes par an. Selon un rapport de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), entre 19 et 50% des molécules qui circulent en Mauritanie, au Mali, au Niger ou au Tchad sont de qualité inférieure à la moyenne ou falsifiées. Un chiffre qui grimpe à 80% en Guinée ou au Burkina Faso, selon d’autres études menées par la Cedeao.

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Ce trafic, selon certaines estimations, serait encore plus lucratif que celui de la drogue. Il rapportait déjà en 2019 autour d’un milliard de dollars. Et d’après les experts et enquêteurs, les faux médicaments et vaccins se sont multipliés depuis le Covid-19, palliant pour beaucoup la pénurie générale vécue pendant la pandémie. Ces médicaments prolifèrent en toute impunité, faute d’un cadre juridique adapté, et proviennent de deux circuits qui se complètent. Ils peuvent être directement produits dans des usines clandestines de faux installées au Maroc, au Ghana, au Sénégal, au Nigeria, ou encore en Inde ou en Chine.

Il peut aussi s’agir de médicaments déroutés à plusieurs endroits d’une chaîne de production légale. La corruption généralisée, depuis l’employé de labo au revendeur sur le marché, en passant par les transporteurs et les agents de sécurité, se charge du reste. On se souvient par exemple qu’en 2022, 70 enfants gambiens mouraient brutalement après avoir ingéré un sirop contre la toux fabriqué en Inde… Entre les placebos, les médicaments périmés et les substances carrément toxiques, ce trafic tue en toute impunité.

En Afrique de l’Est, certaines institutions existent, traquent les filières, mais disposent encore de peu de leviers juridiques pour aller plus loin. Et on vient par exemple de faire retirer de la vente au Kenya, en Afrique du Sud ou au Nigeria un sirop pour enfants commercialisé par une marque américaine, pour surdosage en diéthylène glycol, qui peut être toxique, voire mortel. Mais il est bien rare de voir le sujet des faux médicaments et des substances frelatées clairement mentionné dans les politiques de santé des pays d’Afrique de l’Ouest. On le sait, tout trafic, international de surcroît, est très difficile à enrayer. Mais celui-ci touche particulièrement notre continent et prospère au vu et au su de tous, presque en silence. Il serait temps d’en faire une priorité. Aussi.