PRÉSIDENCE CÔTE D’IVOIRE. Le chef d’État entouré d’étudiants en médecine à l’université Félix Houphouët-Boigny, à Abidjan
Le développement économique doit générer plus d’inclusivité sociale. C’est une priorité du gouvernement. Scolarisation, accès aux soins, Couverture maladie universelle, lutte contre le travail des enfants… les chantiers sont nécessaires et multiples.
La croissance, les investissements, l’augmentation du PIB doivent évidemment profiter à tous les Ivoiriens, au-delà des nouvelles classes moyennes et plus aisées, profiter à la Côte d’Ivoire des « quartiers », des zones rurales, celle où les besoins en termes sociaux sont les plus urgents, où l’indice de développement humain (IDH) reste encore trop faible. Malgré les efforts portés depuis près de dix ans (en particulier sur l’espérance de vie et la durée de scolarisation), le pays reste autour de la 165e place mondiale au classement de l’IDH. La nation paye certainement deux décennies perdues (1990-2010). Entre 1998 et 2008, le taux de pauvreté de la population est passé de 33,6 % à 48,9 %, avant de repartir un peu à la baisse à partir de 2012. Cette exigence de rattrapage est une priorité du gouvernement. Il faut maintenir le dynamisme tout en assurant un développement pour tous, œuvrer à une meilleure répartition des richesses, accroître quantitativement et qualitativement la capacité sociale étatique dans la formation, la santé, le logement, l’éducation (seulement un Ivoirien sur deux est alphabétisé aujourd’hui)… Des exigences d’autant plus prégnantes que 40 % de la population a moins de 30 ans.
Pour répondre à ces enjeux, le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly a annoncé, en décembre 2018, un très ambitieux programme de plus de 720 milliards de francs CFA : le PS Gouv. Une action multidimensionnelle et rare sur le continent. Ce projet concerne un certain nombre de secteurs clés : l’eau, l’énergie, la santé, l’extension de la couverture maladie universelle, l’éducation, la mobilisation des revenus… Prévu sur deux ans (2019-2020), il mobilise les forces vives de l’administration et du pouvoir. Il vise à soutenir les populations les plus fragiles en s’appuyant également sur des mesures prises les années précédentes. Et il cherche, in fine, à réconcilier croissance et développement, à accélérer l’inclusivité sociale, élément essentiel à la stabilité des sociétés africaines contemporaines.
LE PROGRAMME DES FILETS SOCIAUX
Si les améliorations des conditions de vie des Ivoiriens sont bien visibles, la pauvreté n’a pas pour autant reculé suffisamment. De cette constatation, l’État s’est intéressé aux stratégies réussies de certains pays du continent. Un instrument efficace en est ressorti : le Programme des filets sociaux (PFS).
La Côte d’Ivoire a fait son entrée dans ce mécanisme en 2015, avec une phase expérimentale jusqu’en 2018, qui concernait 35 000 bénéficiaires parmi les plus nécessiteux. Le Projet filets sociaux productifs (PFSP), financé par la Banque mondiale à hauteur de 25 milliards de francs CFA pour cinq ans (avec un apport additionnel estimé à 50 milliards), cible essentiellement les populations démunies en milieu rural. Ces laissés-pour-compte de la croissance économique forment, en effet, la grande majorité du taux de pauvreté, qui s’élève à 46 %. Ils vont profiter de mesures d’accompagnement et d’un apport financier de 36 000 francs CFA par trimestre, jusqu’en 2020.
Les premiers résultats semblent satisfaisants, car ces personnes ont « joué le jeu », notamment en constituant des associations ou des coopératives agricoles, par la création ou l’agrandissement de champs ou de fermes avicoles et porcheries. En 2019, 15 000 ménages supplémentaires ont été enregistrés et pris en compte, portant ainsi à 50 000 le nombre d’attributaires. Le programme, sous l’impulsion du chef de l’État, doit se poursuivre jusqu’en 2023 et toucher, à terme, 100 000 foyers situés dans le centre, le nord et l’ouest. Ce choix a été motivé au regard des taux de pauvreté et de malnutrition les plus élevés, des faibles accès aux services sociaux de la santé et de l’éducation. La Côte d’Ivoire a d’ailleurs établi un Registre social unique (RSU) pour mieux cerner et encadrer les allocataires.
STRUCTURER UN NOUVEAU SYSTÈME DE SANTÉ
Le secteur de la santé a été plus lent à restructurer, bien que 3 000 milliards de francs CFA y ont été investis de 2014 à 2016. Le Plan national de développement sanitaire (PNDS) 2016-2020, dans sa phase opérationnelle, n’a pu atteindre les résultats escomptés. Le gouvernement a décidé de consacrer 1 658 milliards de francs CFA au secteur entre 2020 et 2024 pour accélérer la mise en place d’une offre médicale conséquente.
Sept principaux piliers vont porter cette réforme : la santé communautaire, la qualité de soins de santé primaire, les ressources humaines et leur formation, les systèmes d’information sanitaire, la chaîne d’approvisionnement, l’intégration du secteur privé et les mesures clés de financement de la santé.
Les défis sont énormes et concernent tant la formation et la professionnalisation du personnel que les infrastructures des hôpitaux. Entre 15 % et 20 % du budget alloué à ce secteur sont aujourd’hui affectés aux soins de santé primaire, là où l’objectif est de faire passer la proportion à plus de 60 %. Cela représente un véritable challenge pour la Côte d’Ivoire, qui va devoir composer avec le retrait progressif de l’aide extérieure. En effet, au vu de ses bons résultats économiques, le pays fait désormais partie des nations à revenus intermédiaires et bénéficie donc de moins de soutiens financiers.
Dans ce contexte, la mise en place de la Couverture maladie universelle (CMU) apparaît comme une véritable révolution sociale. Lors de sa deuxième campagne présidentielle, Alassane Ouattara déclarait qu’il voulait que « chaque membre de la population, où qu’il se trouve, puisse se faire soigner ».
Instituée par la loi du 24 mars 2014, la CMU a été mise en place en avril 2017, avec une phase expérimentale sur une population cible : 150 000 étudiants provenant d’établissements scolaires situés à Abidjan, Yamoussoukro, Bouaké, Daloa et Korhogo. Cette période d’essai, menée jusqu’en décembre 2018, est concluante. À l’échelle nationale, les premières cotisations ont alors pu commencer dès juillet 2019 (1 000 francs CFA par personne et par mois) pour des prises en charge à partir du 1er octobre de la même année. Peu à peu, les citoyens se sont enregistrés et ont demandé leur carte.
L’objectif est de faire de la CMU l’assurance de base sur tout le territoire. Et d’agir, en particulier, pour les populations le plus fragiles. Un panier de soins définit le périmètre des actes couverts par ce système. Son taux est de 70 %, 30 % restant à la charge du patient (ticket modérateur). Et les assurances complémentaires restent autorisées.
Dans le cas concret d’un traitement antibiotique d’une fièvre typhoïde d’une durée de dix jours coûtant 460 francs CFA, l’assuré aura à payer 138 francs CFA. Sans la CMU, le même traitement lui reviendrait à 4 600 francs CFA.
L’ÉDUCATION ET L’UNIVERSITÉ, FORMER UN CAPITAL HUMAIN
En 2011, rendre possible le retour à l’école a été l’un des impératifs du gouvernement. Le premier signe d’une réinsertion à une vie normale. Depuis, chaque année, la rentrée se fait à une date précise, les examens se déroulent selon le calendrier prévu, et le nombre d’heures d’apprentissage correspond à celui recommandé par l’Unesco.
La stabilité et la continuité sont essentielles pour former les jeunes, et ce dès le plus jeune âge. C’est pourquoi la scolarité est devenue gratuite et obligatoire depuis la modification de la Constitution, en 2016. L’objectif étant que 100 % des enfants soient en classe d’ici 2021. Un taux pratiquement atteint puisqu’il est d’un peu plus de 95 % aujourd’hui. Les autorités ont également initié en 2014 le Programme de décentralisation des universités (PDU). L’objectif est double : absorber le flot constant de nouveaux bacheliers et rétablir une plus grande égalité entre les jeunes en rendant plus proche et donc plus accessible le système d’enseignement supérieur. En outre, l’implantation d’un campus a un impact très positif sur un territoire.
Pour une ville secondaire, c’est en effet une nouvelle population qui vient s’installer (étudiants, personnels d’enseignement, etc.) et qui dynamise l’économie locale. Dans la pratique, le PDU repose essentiellement sur la construction d’infrastructures. Cinq universités avant 2020, et cinq autres pour l’après 2020. SOUTENIR LES FEMMES ET LES JEUNES Protéger les plus vulnérables et les aider à progresser restent les objectifs de la politique sociale. De cette dynamique est né, en 2012, le Fonds d’appui aux femmes de Côte d’Ivoire (FAFCI), porté par la Première dame Dominique Ouattara. Doté à l’origine d’un capital de 10 milliards de francs CFA, ce système de crédit a pour mission d’aider à créer ou étendre une activité génératrice de revenus. En sept ans, ce fonds a permis d’investir 25 milliards de francs CFA dans l’autonomisation des femmes à travers le territoire. Cela a profité à plus de 170 000 bénéficiaires, et indirectement à leurs enfants et à leurs familles. Dans ce cadre, des formations en gestion de projets et en comptabilité simplifiée leur ont aussi été dispensées pour leur permettre de mieux gérer leurs activités. Par ailleurs, l’État a décidé de créer le ministère de la Promotion et de l’Emploi des jeunes, car ces derniers sont fortement touchés par le chômage. Dans ce cadre a été fondée, en 2015, l’Agence emploijeunes, un guichet unique pour les aider dans leurs recherches de postes. Cette structure apporte un appui et des conseils aux porteurs d’initiatives, potentiellement génératrices de travail pour la jeunesse. Elle met en œuvre les programmes spéciaux pour la réinsertion professionnelle et favorise l’accès au crédit pour la création de projets.
LUTTER CONTRE LE TRAVAIL DES ENFANTS
Les lois n’empêchent pas les combats de longue durée. Ainsi en 2010, le cacao ivoirien – principale ressource du pays – était menacé d’embargo à cause du travail des plus petits dans les plantations. Très vite, les autorités ont élaboré un Plan national de lutte contre la traite, l’exploitation et le travail des enfants pour la période de 2012-2014.
Très impliquée dans cette lutte, la Première dame Dominique Ouattara est la présidente de ce conseil national de surveillance. Selon elle, plus de 80 % des actions prévues ont été réalisées. Elles ont permis de porter assistance à plus de 8 000 enfants qui ont été retirés des mains des trafiquants.
Deux autres plans (2015-2017 et 2019- 2021) ont suivi pour assurer la pérennité du « combat ». Le troisième programme, doté de 76,156 milliards de francs CFA, est soutenu par le gouvernement, l’industrie du cacao et du chocolat, les organisations du système des Nations unies, les ONG nationales et internationales. Il prend en compte les services sociaux de base (éducation, santé, état civil), la réduction de la vulnérabilité des familles en luttant contre la pauvreté, et le renforcement du cadre institutionnel et juridique.
Un hôpital performant
C’est l’une des réalisations majeures de la Fondation Children of Africa, dirigée par la Première dame Dominique Ouattara : la création d’un pôle de soins doté d’un matériel dernier cri et de personnels spécialisés dédiés à la mère et à l’enfant. Situé dans la commune de Bingerville, l’Hôpital Mère-Enfant Dominique Ouattara (HME) ne désemplit pas depuis son ouverture en mars 2018. Avec sa capacité d’accueil de 130 lits, il est vite devenu le principal recours des parents alentour, voire de tout le pays et même de la sous-région, grâce à ses équipements high-tech et à ses soignants formés en continu. Venant pour une simple consultation pédiatrique, des hospitalisations plus lourdes ou encore des analyses médicales, 500 patients, en moyenne, sont enregistrés par jour. La principale mission de cet établissement reste d’offrir des services performants en obstétrique et en pédiatrie pour continuer à réduire la mortalité maternelle et infantile (probabilité pour un enfant de décéder dans sa première année). Si en vingt ans, cette dernière a baissé de 112 à 60 décès pour 1000 naissances vivantes, le recul doit continuer. Le lieu dispose de spécialités, comme l’assistance médicale à la procréation (PMA) ou l’oncologie pédiatrique, pour lesquelles il fallait consulter à l’étranger auparavant. Des aménagements spécifiques (une salle d’éveil ainsi qu’un encadrement par une institutrice) ont même été prévus pour les jeunes patients en longue hospitalisation. Le HME est, par ailleurs, le premier établissement d’Afrique à avoir obtenu le label « Qualité et sécurité des soins » de l’Assistance publique hôpitaux de Paris (AP-HP).
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