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Découverte / Djibouti

Vers la création
d’un hub numérique

Par Romain Thomas - Publié en juin 2023
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Les investissements dans de nouveaux câbles, qu’ils soient sous-marins ou terrestres, ont été nombreux ces dix dernières années.PATRICK ROBERT
Les investissements dans de nouveaux câbles, qu’ils soient sous-marins ou terrestres, ont été nombreux ces dix dernières années.PATRICK ROBERT

Objectif : s’imposer comme le centre régional. En s’appuyant sur Djibouti Télécom et son réseau de câbles sous-marins. Et sur un positionnement géographique incontournable.

Bénéficiant d’un emplacement géographique stratégique, entre l’océan Indien et le canal de Suez, Djibouti s’est imposé comme un hub commercial incontournable. Reste que le pays a besoin de diversifier son économie. Pour tenir compte des chocs exogènes, mais aussi de sa dépendance à son environnement local. La part très importante de son activité commerciale à destination ou en provenance de l’Éthiopie, le rend aussi vulnérable, non seulement face à un ralentissement économique de son voisin, mais également à d’éventuels conflits armés, comme l’ont montré les récents combats dans les provinces du Tigré, qui se sont étendus aux régions de l’Oromia, Amhara ou Afar.

C’est dans ce contexte que l’État entend développer de nouveaux secteurs. En appliquant notamment à l’industrie des télécommunications et des technologies digitales les recettes qui ont fait le succès de ses activités portuaires et logistiques. Pour mettre en place ce nouveau «hub numérique», le pays compte capitaliser sur la présence de plusieurs câbles sous-marins de fibre optique, au large de ses côtes reliant l’Afrique à l’Asie, au Moyen-Orient et à l’Europe. Le dernier en date, baptisé SEA-ME-WE 6 («South East Asia-Middle East-Western Europe 6»), repose sur un système de 19200 km de long, constitué de 10 paires de fibres d’une capacité totale de 126 térabits. La construction de ce câble intercontinental a commencé en 2014. Il devrait être mis en service au début de l’année 2025 et permettra de relier Singapour à Marseille, en France, avec des points d’atterrissage tout au long de son parcours. Ce projet a été cofinancé par l’Agence française de développement (AFD), la Banque islamique de développement (BID) et la BCI-BRED de Djibouti.

Au cours de cette décennie, le pays a multiplié, à travers son opérateur historique Djibouti Télécom, les investissements dans de nouveaux câbles, qu’ils soient sous-marins ou terrestres, lesquels s’inscrivent dans le cadre d’un projet porté par le gouvernement depuis 2014. Il ambitionne notamment de déployer sur l’ensemble du territoire un accès à Internet à très haut débit, mais également de proposer ses services à d’autres opérateurs télécoms de la région.

Au regard de l’étroitesse de son marché (400000 abonnés pour 1 million d’habitants) et des investissements massifs devant encore être réalisés, le gouvernement a entériné en 2021 l’ouverture du capital de Djibouti Télécom, ce qui ferait ainsi disparaître l’un des derniers monopoles d’Afrique en cette matière. L’objectif consiste aujourd’hui à lui associer un partenaire international expérimenté. Cela permettrait de moderniser l’entreprise, de faire baisser les coûts, tout en augmentant rapidement les taux de pénétration du mobile et d’Internet dans le pays, s’établissant respectivement à 43,5 % et 55,7%, d’après les données du Digital Report 2021 de Hootsuite et We Are Social. Tout en pariant dans le même temps sur les potentialités d’un marché régional prometteur.

CAP SUR L’INNOVATION TECHNOLOGIQUE

Pour l’heure, l’opération est en cours et elle porte officiellement sur 40% du capital. Les premiers appels d’offres n’ont pas donné de résultats concluants, en tous les cas à la hauteur des espérances côté Djibouti. Mais le processus est en marche, avec une réflexion sur la valorisation. Et la répartition du capital entre le futur opérateur privé et l’État. Le gouvernement souhaite faire de Djibouti Télécom l’un des acteurs majeurs du «hub numérique» du pays, et l’aider à développer dans le même temps des activités connexes, en particulier dans le stockage de données (data centers).

Comme le rappelle Ilyas Moussa Dawaleh, ministre de l’Économie et des Finances, en charge de l’Industrie, «il est urgent d’accélérer la transformation numérique à Djibouti pour soutenir la relance post-Covid». Il ajoute que «le renforcement de la croissance économique, de l’innovation et de la création d’emplois grâce à la technologie profitera aux générations présentes et futures». L’ambition est de devenir à terme l’un des principaux centres de télécommunication en Afrique, susceptible par exemple de convaincre les géants mondiaux de l’e-commerce, comme le chinois Alibaba ou encore l’américain Amazon, d’installer leur plate-forme commerciale africaine dans le pays, en profitant de ses infrastructures portuaires et logistiques, mais aussi de la nouvelle zone franche (Djibouti Free Trade Zone, ou DIFTZ) inaugurée en 2018.

D’autres entreprises sont ciblées, en particulier via la multiplication des centres d’affaires, l’arrivée de nouveaux acteurs internationaux dans le domaine du conseil, ou encore de la finance, et des compagnies d’assurances. Et dans ce contexte, le territoire dispose désormais, grâce à son développement numérique conséquent, d’un backbone conséquent et fiable.