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C'est Comment ?

Vive les scrutins !

Par Emmanuelle Pontié - Publié en avril 2024
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Voter en Afrique, c’est toute une histoire. Les scrutins sont régulièrement entachés de fraudes et autres bourrages d’urnes massifs et bien basiques, ce qui décourage tout aussi massivement les citoyens. «Je vais aller prendre mes pieds pour mettre le papier dans une urne et, de toute façon, le président va repasser! C’est pas la peine.» Des taux d’abstention abyssaux propulsent des chefs d’État sortants vers de nouveaux mandats, repassant et repassant encore avec des scores immenses. On a entendu certains intellectuels africains militer, au vu de cet état de fait, pour une annulation des scrutins. D’autres encore évoquent une tradition de népotisme telle- ment ancrée dans les cultures qu’imaginer pouvoir faire fonctionner un système d’alternance démocratique sur le continent relève du doux rêve. D’autres, enfin, vont même jusqu’à plébisciter les coups d’État seuls moyens, selon eux, de se débarrasser d’un président qui s’incruste. Certes, aucun pays, aucune histoire, n’est comparable

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Et pourtant... Le Sénégal vient de donner une leçon magistrale, contrant toutes ces idées reçues et autres images d’Épinal sur les urnes africaines. On sait que le pays de la Teranga a une tradition à part. Celle de la démocratie. À Dakar, on la respecte, on la nourrit, on la vénère et on s’enorgueillit d’organiser depuis des décennies des scrutins transparents. Cette fois-ci, c’était chaud. Un vote reporté, un président qui dit qu’il part, puis qui fait mine de rester un peu, des candidats en prison... Eh bien, malgré les Cassandre tout à coup sur le qui-vive, la présidentielle du 24 mars s’est déroulée dans le calme, avec un taux de participation à faire pâlir les voisins. Et le résultat est sans appel: l’alternance a gagné. Place à un candidat neuf, qui incarne la rupture. Et finalement, peu importe que Bassirou Diomaye Faye, pratiquement inconnu hier, élevé dans l’ombre d’Ousmane Sonko, le vrai leader charismatique empêché de se présenter, réussisse son mandat, sa mission. Peu importe comment il gouverne et s’il répond au besoin de changement exprimé clairement par la plus grande partie du peuple. L’essentiel, c’est qu’il est bien placé pour savoir comment ça marche, au cas où il décevrait les espoirs que les votants ont mis en lui. Et c’est ça, la vraie «leçon de Dakar»!