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Yonis Ali Guedi
« Nous misons sur le renouvelable »

Par - Publié en juin 2018
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Ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles depuis avril 2017, ce quadra natif d’Arta nous explique comment un territoire dépourvu de toute ressource fossile exportera un jour de l’électricité.
 
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AM : Les coûts de l’énergie ont longtemps nui à la compétitivité de Djibouti. Quelle est votre stratégie pour les réduire ?
Yonis Ali Guedi : Faute de ressources en matières fossiles (pétrole et gaz) et en ressources hydriques, nous misons sur le long terme sur les énergies renouvelables, entre solaire, géothermie et éolien. Notre ambition est d’atteindre la couverture de 85 % de nos besoins en électricité par le recours à une énergie verte. Mais à court et à moyen terme, la forte croissance de la demande intérieure, avec le développement rapide de notre économie ainsi que l’option de l’industrialisation du pays, nous incite à renforcer nos capacités de production électrique.
 
À combien évaluez-vous vos besoins en énergie ?
Chaque année, la demande des ménages augmente de près de 10 %. L’entrée en service des ports minéraliers du Goubet et de Tadjourah crée de nouveau besoins. Depuis 2011, notre consommation électrique est couverte à hauteur de 60 % par l’interconnexion avec le réseau éthiopien dont l’apport est évalué à 60 mégawatts. Les 40 % restants sont assurés par la centrale thermique de Boulaos, située au coeur de la capitale. Jusqu’à aujourd’hui, nos besoins quotidiens tournent autour de 100 mégawatts. Mais selon nos estimations, dans les sept ans à venir, ils décupleront pour atteindre 1 000 mégawatts, conséquence de l’entrée en service des grands projets industriels dont se dote Djibouti.
 
Comment faire face à cette envolée de la demande ?
J’ai cité le recours aux énergies renouvelables avec le solaire et l’éolien mais notre principal atout est la géothermie. Depuis deux décennies, nous avons investi des dizaines de millions de dollars dans l’exploration et les études sur nos ressources en géothermie. Cela a constitué un choix judicieux. À l’occasion d’une visite de travail du président Ismaïl Omar Guelleh au Kenya, le 8 mai 2018, nous avons pu visiter les installations de la centrale géothermique de Naivasha et nous avons pu constater la maîtrise de la technologie par nos frères kényans. Nous avons signé des accords pour la formation de nos cadres et pour l’échange d’expérience. Pour vous donner une idée sur les potentialités de notre pays : à Naivasha, les forages pour atteindre une production optimum d’énergie géothermique sont de l’ordre de 3 000 mètres de profondeur. À Djibouti, un forage de 1 000 mètres suffit. C’est vous dire l’importance des potentialités dont nous disposons avec des coûts de production incomparables. Le premier forage devra débuter en juin 2018 au lac Assal. Outre les énergies renouvelables, nous misons également sur deux projets de centrales thermiques couplées l’une à l’usine de liquéfaction de gaz naturel, et l’autre à la raffinerie de pétrole, situées dans la zone industrielle de Damerjog. En 2026, nos capacités de production avoisineront les 3 800 mégawatts et Djibouti sera exportateur d’électricité vers le Golfe persique et l’Afrique de l’Est.
 
Pour l’heure, si le pays n’a plus de problème de délestage, il se plaint de la facture d’électricité qui grève lourdement le budget familial…
Je comprends l’impatience de mes compatriotes. Mais je vous assure que l’État consent de gros efforts pour appliquer des tarifs préférentiels aux ménages les plus vulnérables. J’ai conscience que cela peut paraître insuffisant. Mais dans les deux ans à venir, l’État s’engage à réduire de moitié la facture électrique.