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Youssouf Carius
« Pouvoir exploiter autrement nos opportunités »

Par Francine Yao - Publié en novembre 2021
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Placements, fonds d’investissement, financement… Sa société cherche à proposer des produits innovants adaptés au marché régional.

​​​​​​​AM : Racontez-nous votre parcours professionnel.

Youssouf Carius. NABIL ZORKOT
Youssouf Carius. NABIL ZORKOT

Youssouf Carius : Après l’obtention d’un master en mathématiques, économétrie et finance à la Toulouse School of Economics, j’ai démarré ma carrière chez BearingPoint, avant d’aller à Soft Computing, puis à SymphonyIRI Group, et enfin chez Accenture en France. En Côte d’Ivoire, j’ai respectivement occupé les postes d’économiste en chef, puis directeur et vice-président de l’agence de notation financière sous-régionale Bloomfield Investment Corporation. Après y avoir passé quatre années, j’ai créé Pulsar Partners. Depuis avril 2016, je suis le manager général de cette entreprise qui propose des solutions de placements adaptées à l’environnement panafricain et fondées sur des standards internationaux de gestion et de gouvernance. De plus, je gère deux autres entreprises, le fonds d’investissement Pulsar Capital, et Korlink, qui opère dans l’immobilier et la construction.

Quelles motivations vous ont conduit à l’entrepreneuriat ?

Je dirais qu’il s’agit d’un simple cheminement professionnel. Je pense qu’il n’y a pas vraiment de différence entre être salarié ou entrepreneur. L’objectif est d’avoir un parcours qui vous permette de progresser continuellement. Car le pire, c’est de stagner. Ainsi, monter mon entreprise s’est naturellement imposé à moi à un moment donné. Sans vraiment d’élément déclencheur. Selon moi, il n’y en a pas. Partout où j’ai travaillé, je me suis comporté comme étant dans ma propre entreprise. Par exemple, je prenais beaucoup d’initiatives à la place de mes managers chez Accenture. La différence, bien sûr, c’est qu’un entrepreneur doit gérer toutes les facettes de l’entreprise et devient responsable à de nombreux niveaux. Mon style de management, c’est de permettre aux travailleurs de progresser et d’aller voir ailleurs s’ils en estiment le besoin. Ce que je ne manque pas de souligner en recrutant mes collaborateurs.

Comment définiriez-vous l’environnement de l’entrepreneuriat en Côte d’Ivoire ?

Je ne fais pas de comparaison entre les climats des affaires d’un pays à l’autre. Dans le business, l’environnement de chaque localité, quelle qu’elle soit, présente des avantages et des inconvénients. En Côte d’Ivoire, l’une des grosses faiblesses réside dans le manque de transparence et la lenteur de la mise en application des réglementations des affaires. Que ce soit du côté administratif ou privé, les gens ont pour habitude de ne pas suivre les règles établies. Ce qui me paraît très préjudiciable. Toutefois, les rendements et les types d’opportunités que l’on trouve ici sont honnêtement supérieurs à ceux d’autres pays où les règles sont beaucoup plus structurées et respectées. Je ne saurais choisir ce qui est mieux, finalement. Par exemple, on peut créer une entreprise en Suisse ou aux États-Unis en deux jours. Mais tout dépend après des opportunités à saisir…

Quelles sont les autres difficultés que vous rencontrez ?

L’une des grandes difficultés de l’écosystème entrepreneurial du pays a trait au marché des capitaux et au marché financier dans son ensemble. Les banquiers pratiquent des taux d’intérêt parfois exorbitants sur les prêts. En revanche, les banques offrent des rémunérations sur des dépôts à terme souvent très intéressantes. Il y a aussi trop peu d’instruments financiers disponibles sur le marché des capitaux. En Afrique de l’Ouest francophone par exemple, ce marché est dominé par des institutions supranationales. Alors qu’il devrait être contrôlé par les acteurs du secteur privé.

Et que comptez-vous apporter comme nouveautés dans votre secteur ?

L’un de mes objectifs est de créer le lien entre les investissements non cotés (les infrastructures privées) et le marché des capitaux. Parce que certaines dispositions réglementaires ne sont pas encore exploitées. Nous sommes en discussion avec des intermédiaires du marché financier, notamment les SGI (sociétés de gestion et d’intermédiation) et les SGO (sociétés de gestion d’OPCVM), pour justement établir des liens avec des opportunités pas nécessairement cotées à la BRVM (Bourse régionale des valeurs mobilières) d’Abidjan, et qui valent la peine d’être financées par les épargnes publiques. Si un investisseur veut construire des entrepôts spécialisés par un appel public à l’épargne, il peut le faire, la réglementation en vigueur l’autorise. Il lui suffit de recourir à une SGI ou une SGO pour structurer cette opération. Ce type de financement existe, et il y en a d’autres, mais ils ne sont malheureusement pas encore utilisés dans notre sous-région. L’un de mes objectifs, c’est que ma société immobilière soit la première à être cotée sur le marché financier régional. Il n’y a pas de barrière réglementaire. Lorsque nous aurons suffisamment d’actifs immobiliers sous gestion, l’idée est de vendre ou de placer certains d’entre eux en Bourse. Cela se fait déjà sur des marchés africains, comme en Afrique du Sud, au Kenya, au Nigeria ou au Maroc, mais pas encore en Côte d’Ivoire. Pourtant, le pays dispose de tout le potentiel immobilier au sens large pour le faire.

 

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