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Les Initiés

Black, proud and gay

Par Jean Marie Chazeau - Publié en avril 2017
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Un film fort sur les traditions, la masculinité et l’homosexualité à travers le rite d’initiation de l’ethnie xhosa, en Afrique du Sud.

Comme une réponse à Robert Mugabé et consorts… Face aux discours pointant l’homosexualité comme un symptôme de la « décadence occidentale » contaminant la culture traditionnelle, coup sur coup deux films se risquent à mettre en scène la sexualité entre hommes noirs. Pour mieux dépasser les idées reçues. Il y a bien sûr Moonlight, consacré par l’oscar du meilleur film en février dernier, qui raconte comment un jeune Afro-Américain des quartiers défavorisés de Miami grandit en acceptant, difficilement, son attirance sexuelle pour les hommes… tout en devenant chef de gang. Le réalisateur Barry Jenkins a touché tous les publics, sans doute au prix d’un renoncement à montrer toute fièvre amoureuse…

Ce mois-ci, Les Initiés du Sud-Africain John Trengove, coscénarisé par l’écrivain Thando Mgqolozana (A Man Who Is Not a Man), est encore plus ambitieux. Le film perce les mystères d’un rite imposé depuis des générations aux jeunes garçons de l’ethnie xhosa, dans les montagnes du Cap-Oriental : circoncision à vif et vie monacale pendant quelques jours sous l’autorité d’hommes qui vont les soigner et les encadrer. Le passage à l’âge adulte se fait en cicatrisant et en coupant du bois ! Ce rituel, l’Ukwaluka, a longtemps été tabou, jusqu’à ce que le plus célèbre des Xhosa, Nelson Mandela, le décrive dans son autobiographie Un Long chemin vers la liberté.

Le réalisateur a fait appel à d’authentiques membres de cette ethnie, qui ne parlent que leur langue et n’ont pour la plupart jamais joué la comédie. L’immersion est totale et cette fiction aux allures de documentaire, superbement mise en images, nous entraîne à la suite d’un adolescent de la riche bourgeoisie black de Johannesburg, envoyé là par son père qui espère le mettre sur le droit chemin. Mais le jeune garçon va comprendre peu à peu que son initiateur, solitaire et taiseux, vit une histoire d’amour cachée avec un autre homme, charismatique et populaire, parmi ceux qui les encadrent…

Un vrai suspens s’installe alors autour de ce secret. Le film, parfois cru, réussit à parler en même temps des différentes variations de la masculinité africaine. et de la perpétuation des rites ancestraux à l’heure du téléphone portable. Surtout, il n’est jamais donneur de leçons : il ne condamne pas la tradition dont il montre aussi les aspects positifs, le principal étant de donner des repères à des jeunes un peu perdus. Le message de tolérance du réalisateur ne peut en sortir que renforcé.

 

"LES INITIÉS" (Afrique du Sud), de John Trengove, avec Nakhane Touré, Bongile Mantsai. Sortie le 19 avril.