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Littérature

Amours sans fin

Par CATHERINE FAYE - Publié en mai 2023
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Une anthologie, douce et amère, ardente et désespérée, de la poésie amoureuse des Arabes, du vie au xve siècle.

HAMDANE HADJADJI ET ANDRÉ MIQUEL, Les Arabes et l’amour : Anthologie poétique, Actes Sud, 186 pages, 18 €.DR
HAMDANE HADJADJI ET ANDRÉ MIQUEL, Les Arabes et l’amour : Anthologie poétique, Actes Sud, 186 pages, 18 €.DR

​​​​​​​Amour à mort , amour passion, amour divin, amour tout court. Ce sentiment brûlant est l’un des thèmes récurrents de la littérature arabo-musulmane, porté par la puissance de la langue arabe. Qu’il occupe l’espace entier du poème ou n’en constitue qu’un fragment, son chant s’offre sur tous les modes possibles. Joie, souffrance, fugacité, éternité… Bien avant l’avènement de l’islam, puis au long de la période classique, les poètes et prosateurs rivalisent de créativité et d’expressivité pour l’évoquer, sous toutes ses déclinaisons : versets platoniques, textes érotiques, histoires d’amour légendaires ou populaires, notamment dans les Mille et Une Nuits, poèmes mystiques ou philosophiques. Mais l’amour n’est pas seulement une expérience universelle ou personnelle. Il est également culturel, comme l’écrit Roland Barthes dans Fragments d’un discours amoureux. Et chaque culture en a construit sa propre vision. Ainsi, dans le monde arabe, il nous éclaire, au-delà de la poésie qui lui est dédiée, sur la vision tout entière qu’une civilisation s’en fait. Plus de 100 noms y disent le sentiment amoureux, de l’attirance jusqu’à la folie. Dans ce recueil, 23 poètes, choisis par André Miquel et Hamdane Hadjadji, spécialistes de la langue et de la littérature arabes, viennent célébrer l’amour dans la poétique du VIe au XVe siècle. À une exception près, cette anthologie donne la voix aux hommes, reflétant une réalité de l’histoire : le métier d’écrivain est alors, quasi exclusivement, masculin. Or, que dire de ces vers d’Al-Khansâ, grande poétesse aux temps du premier islam, pleurant son frère bien-aimé, mort des suites de blessures reçues au combat ? « Ce cœur, tu l’as brisé, j’en jure, il n’en peut plus ! / Le deuil emplit mon âme et ma tête fléchit. / Le dur bois de ma lance aujourd’hui s’est rompu, / Cassé comme le cœur si solide du buis. » Très certainement qu’ils préfigurent le paysage poétique des femmes du monde arabe, de l’âge d’or de l’islam à nos jours.