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Nigeria, la grande promesse

Armstrong Ume Takang
«Nous devons trouver

des solutions locales »

Directeur général du Ministry of Finance Incorporated (MOFI)

Par Emmanuelle Pontié - Publié en décembre 2024
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AM: Qu’est-ce que le MOFI?

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Armstrong Ume Takang: C’est l’acronyme de Ministry of Finance Incorporated. Le MOFI est le gestionnaire des actifs et des investissements du gouvernement fédéral. Il a été créé par une loi de 1959, mais il n’est devenu opérationnel qu’en février 2023. Le MOFI dispose désormais d’une structure de gouvernance et, au plus haut niveau, d’un conseil d’administration présidé par le chef de l’État, le vice-président en étant le suppléant. Nos activités portent sur deux domaines clés. Le premier consiste à déterminer ce que le gouvernement fédéral possède, et pour ce faire, nous avons créé un registre des actifs nationaux, qu’il s’agisse d’actifs d’entreprises, immobiliers, de concessions ou d’autres. Deuxièmement, nous travaillons avec les entreprises publiques, que nous soutenons pour qu’elles fournissent des rendements supérieurs ajustés au risque, créent plus d’emplois et boostent la croissance économique.

Avez-vous des exemples de ce type d’entreprises?

La Nigerian National Petroleum Corporation (NNPC), la Bank of Industry, ou encore la Banque de développement du Nigeria, Family Homes Funds, Galaxy Backbone, NigComSat… Nous possédons également des parts dans la Nigerian Mortgage Refinance Company (NMRC).

Détenez-vous aussi des parts dans des sociétés privées?

Oui, et nous possédons aussi des entreprises publiques que nous détenons à 100%, censées être de nature commerciale. Nous les aidons à améliorer leur rendement en introduisant un bon niveau de gouvernance et en trouvant les moyens de leur donner plus de capital. Le troisième aspect de notre travail consiste à mobiliser les investissements destinés aux secteurs stratégiques de l’économie, tels l’agriculture, l’industrie manufacturière, les infrastructures ou la santé. Nous collaborons ainsi avec différents partenaires, en particulier le secteur privé et les entreprises internationales, afin de mobiliser des capitaux.

Si l’une des entreprises que vous choisissez n’est pas disposée à vous laisser entrer dans son capital, que se passe-t-il?

Nous la laissons tranquille! Et comme nous sommes une agence gouvernementale destinée à soutenir l’économie, nous ne nous intéressons pas à toutes les entreprises.

Quel est votre niveau de participation, en général?

Il peut aller de 11% à 100%, selon les cas.

Quel est le volume des actifs détenus par la République fédérale?

L’exercice d’évaluation des actifs est en cours. Ceux que nous avons identifiés jusqu’à présent représentent au moins 20000 milliards de nairas.

Avez-vous également une fonction de levée de fonds?

Nous identifions un projet, puis nous approchons différents investisseurs pour leur présenter l’opportunité.

Quels sont les avantages pour les personnes prêtes à investir?

Pour beaucoup, c’est une occasion de rentabiliser l’argent. Pour d’autres, c’est une opportunité de contribuer au développement, notamment pour les institutions financières. Certains sont intéressés par l’ESG (l’environnement, le social et la gouvernance), l’emploi et le développement, et ont déjà investi dans nos sociétés de portefeuille.

Vous avez aussi l’ambition de créer des opportunités d’emploi.

Le gouvernement a un plan pour créer des millions d’emplois, mais pour cela, l’économie doit renouer avec la croissance. Nous finançons notamment des entreprises agroalimentaires, qui se développent et créent de nouveaux emplois. Nous intervenons également dans le secteur manufacturier en fournissant l’argent nécessaire pour accroître la production, créant ainsi davantage de postes à pourvoir. Nous octroyons aussi des aides dans le domaine du logement et, grâce à un programme de prêts hypothécaires, nous augmentons la demande dans le secteur. Par l’intermédiaire de certaines de nos sociétés de portefeuille, nous finançons également des start-up dans le domaine de la technologie. Cela les aide à lancer de nouvelles entités, qui vont recruter.

Quelle est la taille minimale des entreprises avec lesquelles vous choisissez de travailler?

Les entités dans lesquelles nous investissons directement sont généralement de taille moyenne. Mais les sociétés de notre portefeuille peuvent investir dans les petites entreprises.

Êtes-vous confiant en l’avenir?

Oui, car notre économie est en croissance. Nous avons besoin de plus d’infrastructures pour booster la production, soutenir la population. Et ce besoin offre des opportunités d’investissement. De plus, la population étant très jeune, nous disposons d’une importante main-d’œuvre et n’aurons pas de mal à trouver des travailleurs pour accompagner le développement de l’économie. Le pays propose aujourd’hui de nombreuses incitations fiscales pour les entreprises et les investissements. Elles devraient offrir de formidables opportunités pour les nationaux et les étrangers qui s’intéressent au Nigeria. Nous sommes très confiants, même si nous traversons une période difficile, avec une inflation plus élevée que prévu, des problèmes de change et de liquidité, un taux de chômage important. Les réformes mises en place ouvrent de nouvelles opportunités.

C’est une période difficile pour la population. Et aussi pour certains investisseurs, qui quittent le pays en raison de l’insécurité et de la dévaluation du naira…

C’est une période difficile, en effet. L’environnement macroéconomique n’est pas celui que nous souhaiterions. L’augmentation du coût de la vie, qu’il s’agisse des transports, de l’électricité ou de l’alimentation, crée des difficultés pour les entreprises et la population. Et certaines entreprises se sont retirées pour ces raisons. Or, c’est l’occasion de redéfinir notre architecture économique. C’est à nous de rester déterminés dans les réformes entreprises, d’être innovants et créatifs dans la recherche de solutions locales. Il faut commencer à regarder vers l’intérieur. Nous ne pouvons pas tout importer, parce que le problème de liquidité et le marché des changes nous en empêchent. Nous devons donc trouver des solutions locales, afin de réduire la pression sur les devises. Je suis sûr que ces temps difficiles ne dureront pas. Nous en sortirons plus forts, meilleurs et plus avisés. Ce sera pour le bien de notre peuple et de notre pays.

Combien de temps faudra-t-il pour que la situation s’améliore vraiment, selon vous?

Difficile d’établir un calendrier précis. Les secteurs s’en sortiront à des moments différents, en fonction de leurs fondamentaux. Mais une chose est sûre: nous devons nous concentrer sur l’augmentation de la productivité dans tous les domaines. Il faut mettre en place des mécanismes, des programmes, des incitations et des investissements qui conduisent à une hausse de la production alimentaire. Lorsque vous augmentez la production, les prix baissent. C’est la loi de l’offre et de la demande.