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Bouchra Khalili

Au-delà des « frontières »

Par jmdenis - Publié en mars 2015
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Son œuvre parle de la migration, de la frontière, de ce qui est transgressé sous la forme d’un exil ou d’une errance. Bref, Bouchra Khalili, photographe et vidéaste, née à Casablanca en 1975, qui vit et travaille entre Paris et Berlin, nous désoriente depuis ses débuts en 2002 et on ne s’en lasse pas. La lauréate 2014 du prix délivré par SAM Art Projects, une initiative privée conçue en 2009 pour promouvoir l’art contemporain, aborde le thème plus spécifique du voyage dans l’histoire avec une exposition, Foreign Office, du 18 février au 17 mai au Palais de Tokyo, à Paris. Entretien.

AM : Foreign Office évoque les révolutions africaines des années 1960 et les anciennes représentations désertées des mouvements indépendantistes à Alger. Le constat nostalgique d’une histoire finie ?
Bouchra Khalili : Je dirais qu’il s’agit d’une tentative de rendre visibles des formes d’absence dont les lieux portent la marque dans le temps présent. Qu’en reste-t-il ? Comment ces traces se manifestent ? En ce sens, c’est une démarche active, à l’inverse de la contemplation nostalgique. De même, le film produit pour ce projet reformule cette même question, mais sur le plan de l’Histoire, de son iconographie, et des récits qui la composent : comment l’Histoire se raconte-t-elle ? Avec quel matériau ? Comment se transmet-elle ? Et pour en faire quoi ?

La « révolution » burkinabè qui se réclamait d’un de ces défunts leaders, Thomas Sankara, et ayant causé la chute de Blaise Compaoré en novembre dernier, vous a-t-elle amenée à modifier le dispositif vidéo ou photo de votre exposition ?
J’ai suivi avec beaucoup d’intérêt les événements au Burkina. Il y a, bien sûr, une résonance frappante avec l’histoire dont parle Foreign Office, mais qui ne m’a pas conduite à modifier le projet, plutôt à m’interroger sur cette concomitance.

Dans toute votre œuvre, vous semblez attirée par les notions de migration, de frontières. Pourquoi ?
Édouard Glissant disait : « Il n’est frontière qu’on n’outrepasse ». Je partage son point de vue en ce qu’il incarne un appel à résister aux « murs » physiques et mentaux qui se dressent. C’est pourquoi je pense que mon travail porte davantage sur des gestes et des discours de résistance envisagés depuis plusieurs perspectives : géographiques, culturelles, linguistiques, historiques.