
Barrage sur le Nil
Après quinze ans de travaux pharaoniques, l’Éthiopie a officiellement inauguré le 9 septembre «son» barrage de la Renaissance. Malgré les réticences des bailleurs et les menaces de l’Égypte, les autorités ont porté ce projet colossal en mobilisant la population. Un succès historique pour un pays en quête de souveraineté, et de grandeur aussi.
Abiy Ahmed n’a pas lésiné sur les moyens afin d’inaugurer le grand barrage de la Renaissance éthiopienne (Great Ethiopian Renaissance Dam, GERD), plus vaste complexe hydroélectrique jamais érigé sur le continent. Devant le colossal ouvrage pavoisé de drapeaux éthiopiens, le Premier ministre a tenu un discours quasi messianique : «Les générations précédentes rêvaient de moissonner la rivière Abay [nom du Nil Bleu en Éthiopie, ndlr]. Aujourd’hui, ce rêve prend vie.» Au ballet aérien des chasseurs de l’armée de l’air ont succédé les chorégraphies nocturnes de drones lumineux, dessinant des slogans en amharique et en anglais: «Éveil géopolitique», «Un saut dans le futur», mais aussi: «Bonne année», la cérémonie ayant eu lieu le 9 septembre, avant-veille de l’Enqoutatash, le nouvel an orthodoxe éthiopien.
Une inauguration davantage symbolique que technique: le remplissage du réservoir du barrage de la Renaissance a démarré il y a cinq ans [voir AM 406], ses premières turbines produisent de l’électricité depuis février 2022, et les travaux se sont achevés en juillet dernier. Mais Abiy Ahmed entend maximiser le bénéfice de la réussite de ce mégaprojet envisagé depuis un siècle, lancé en 2011 par le Premier ministre Meles Zenawi (1955-2012), et que l’actuel leader est parvenu à finaliser. Le pouvoir éthiopien a besoin de ce que Sonia Le Gouriellec, spécialiste de la Corne de l’Afrique et professeure à l’Université catholique de Lille, décrit comme un «totem national qui fournit un récit fédérateur». Elle précise: «En réalisant le GERD malgré les conflits internes et les pressions diplomatiques, les dirigeants éthiopiens en ont fait un emblème de renaissance, dépassant sa simple fonction énergétique pour devenir un projet de construction nationale, d’affirmation régionale et de rupture avec l’héritage colonial.» Un totem au-dessus des sanglantes fractures de la mosaïque éthiopienne. Car bien que la guerre au Tigré soit terminée (au moins 600000 morts entre novembre 2020 et novembre 2022), le pays endure deux autres conflits internes: dans la région Oromia, où est active l’Armée de libération oromo (OLA), et dans la région Amhara, où prospèrent les miliciens nationalistes Fanos.

Lors de l’inauguration, les invités ont abondé en louanges. Le président kényan William Ruto a félicité son « frère» : «Notre futur dépendra de ce que l’on fait aujourd’hui et de la vision que nous portons, des espoirs de nos peuples que nous transformons en réalité.» Pour le chef d’État djiboutien Ismaïl Omar Guelleh, la réalisation du barrage est «un événement historique à travers lequel la nation sœur éthiopienne porte très haut l’image de l’Afrique». Salva Kiir, président du Soudan du Sud, voit dans le GERD un «symbole d’unité, de sacrifice et de détermination». Plus surprenante était la présence du président somalien Hassan Cheikh Mohamoud, compte tenu de la tension entre son pays et l’Éthiopie, qui le 1er janvier 2024 a signé un protocole d’accord avec le Somaliland. La région séparatiste envisage de louer un tronçon de son littoral à l’Éthiopie enclavée en échange d’une reconnaissance étatique. Un casus belli pour son voisin, qui a riposté en signant un protocole de coopération militaire avec l’Égypte: pas moins de 3000 soldats égyptiens stationnent désormais en Somalie, officiellement pour combattre les djihadistes… Début juillet, le président égyptien al-Sissi, lors d’une conférence de presse avec Mohamoud, a rappelé l’engagement de l’Égypte à «aider la Somalie à contrôler son territoire». Lors de l’inauguration du GERD, le chef d’État somalien s’est fait le porte-parole de son nouvel allié, qui comme le Soudan avait boudé l’invitation éthiopienne: «Les nations en aval comme en amont peuvent prospérer uniquement lorsque nous agissons comme une communauté.»
Une source de conflits

Si l’Éthiopie est à la fête, l’Égypte fulmine. Car le Nil est consubstantiel à l’identité de la nation, et ce depuis des millénaires: le géographe grec Hérodote (Ve siècle avant J.-C.) qualifiait déjà la terre des pharaons, à l’agriculture irriguée par les limons déposés par la crue du fleuve, de «don du Nil». Aujourd’hui encore, pas moins de 97% des 116,5 millions d’Égyptiens dépendent du fleuve pour leurs besoins aquifères. Or, jusqu’à 85%de ses eaux traversant le territoire égyptien proviennent du Nil Bleu, qui prend sa source en Éthiopie. Un rapport publié en 2017 par la Société américaine de géologie (GSA) s’attend donc à ce que «les problèmes d’eau douce et de déficit énergétique dans le bassin du Nil soient sérieusement exacerbés dans les années à venir par la construction du GERD». Deux jours avant l’inauguration, Le Caire a écrit au Conseil de sécurité des Nations unies pour dénoncer «une mesure unilatérale violant le droit international », s’estimant légitime à employer «toutes les mesures autorisées par le droit international et la charte des Nations unies afin de défendre les intérêts existentiels de son peuple». La défense du Nil est inscrite à l’article 44 de la Constitution égyptienne. La gestion des fleuves frontaliers, éternelle source de conflit, est certes régentée par une convention onusienne datant de 1997, mais ni l’Égypte ni l’Éthiopie ni le Soudan ne l’ont signée!
Le Premier ministre éthiopien Meles Zenawi avait anticipé l’opposition de principe de l’Égypte à ses ambitions hydroélectriques: amorcé fin 2009, le projet du GERD avait été tenu secret jusqu’à son annonce officielle, le 31 mars 2011, deux jours avant la pose de la première pierre. Les Égyptiens, aussi surpris que furieux, avaient alors accusé Zenawi d’avoir profité de la vacance de pouvoir au Caire – le pays se trouvait alors en pleine révolution contre le régime d’Hosni Moubarak. Pietro Salini, PDG du groupe de BTP Webuild (anciennement Salini Impregilo), qui a construit le GERD, raconte comment en 2010 Meles Zenawi lui avait fait part de son projet de barrage, alors que les deux hommes se trouvaient au bord du lac Tana, où l’entreprise italienne venait de construire une centrale électrique: «J’ai un rêve pour mon pays, lui aurait confié le leader éthiopien. Convertir l’eau de toutes ses rivières en notre pétrole. Une source inépuisable d’énergie propre, assez puissante pour faire tourner les industries, éclairer tous les foyers et donner de l’espoir aux jeunes générations. Je veux construire quelque chose de grand sur le Nil. Quelque chose d’unique, d’extraordinaire.» Salini, dont l’entreprise a aussi érigé le barrage Gibe III sur l’Omo, dans le sud du pays, évoque «un contexte complexe, au sein d’une des régions les plus isolées du continent»: il a fallu «apporter les infrastructures et la technologie, là où n’existaient que des villages perdus et des pistes poussiéreuses».
Lorsqu’Abiy Ahmed entre en fonction en avril 2018, la construction du GERD est réalisée aux deux tiers. Les retards s’accumulent: le 24 juillet 2018, le Premier ministre critique publiquement un chantier qui pourrait « prendre encore dix ans». Deux jours plus tard, le directeur du projet Simegnew Bekele est retrouvé mort, vraisemblablement suicidé. Le pouvoir entreprend alors un grand ménage: chargé de fabriquer certains éléments du barrage, le complexe militaro-industriel Metec (Metals and Engineering Corporation), contrôlé par le Front populaire de libération du Tigré, est évincé. Ses contrats sont redistribués à Alstom (groupe français racheté en 2018 par l’américain General Electric) et à l’allemand Voith Hydro. Plus de 60 cadres du Metec, dont son directeur le général Kinfe Dagnew, sont arrêtés pour «corruption».
Les citoyens mis à contribution

Dès lors, la construction du GERD va s’accélérer: en juillet 2020, le remplissage du réservoir du barrage s’amorce, à l’occasion du keremt, la saison des pluies abyssine. La tension monte encore d’un cran avec l’Égypte, qui réitère ses menaces militaires. Mais cette prétention du Caire à s’estimer propriétaire des eaux du Nil exaspère: en 2010, l’Égypte avait ainsi non seulement protesté contre la construction par l’Éthiopie d’une centrale hydroélectrique en aval du lac Tana, source du Nil Bleu, mais également contre un simple accord-cadre coopératif signé entre les États proches du lac Victoria, source du Nil Blanc. En termes fort peu diplomatiques, la Tanzanie, l’Ouganda, le Rwanda s’étaient alors dits «fatigués de demander la permission de l’Égypte avant d’utiliser les eaux du fleuve pour le moindre projet de développement». Le fait que les revendications du Caire reposent sur un traité colonial britannique de 1929 et sur un traité bilatéral signé avec le seul Soudan en 1959 ne plaide guère en sa faveur sur le continent. Dans ce contexte, le GERD a comme un goût de revanche anticoloniale: ce n’est certainement pas un hasard arithmétique si la capacité du réservoir du GERD (74 milliards dem3) correspond exactement à l’addition des quantités annuelles d’eau allouées à l’Égypte (55,5 milliards) et au Soudan (18,5 milliards) par le traité de 1959!
Cette posture de refus de l’Égypte a finalement renforcé la détermination éthiopienne. Face aux pressions du Caire auprès des bailleurs internationaux (Banque mondiale, FMI, Banque africaine de développement, etc.) pour qu’ils ne versent pas le moindre dollar au mégaprojet, Addis-Abeba a fait jouer la fibre nationaliste, comparant la construction du GERD à la bataille d’Adoua, du nom de la victoire des armées du négus face aux Italiens en 1896…Les citoyens éthiopiens ont été sollicités pour apporter leur obole au financement du GERD: mobilisation des fonctionnaires, des chefs d’entreprise, de la diaspora… et même des écoliers, missionnés par leurs professeurs pour sensibiliser leurs parents! Et cela a fonctionné: les Éthiopiens se sont approprié le projet. Le slogan «It’s my dam» («C’est mon barrage») s’est imposé sur les vitrines, les pare-chocs, les T-shirts et même les masques anti-Covid. Les contributions pouvaient être effectuées par l’achat d’obligations, ou par l’envoi de SMS surtaxés. Certes, comme ce fut le cas pour d’autres mégaprojets sur le continent, ce «volontariat» s’est avéré relatif: des témoignages font état de ventes forcées d’obligations aux fonctionnaires, de retenues sur les salaires sous peine de licenciement, et de pressions exercées par les ambassades sur la diaspora. «Le financement du GERD reposait autant sur un patriotisme imposé que sur un véritable élan», résume Sonia Le Gouriellec, qui ajoute: «Le barrage de la Renaissance se distingue des autres grands projets hydroélectriques dans le monde par son financement entièrement national. L’Éthiopie a préféré construire le GERD avec ses propres ressources, même au prix d’un sacrifice collectif, pour échapper à l’influence des traités hydro-politiques du passé.» Meles Zenawi avait déclaré en 2011: «Peu importe notre pauvreté. Comme le veut la tradition éthiopienne de résolution des problèmes, les Éthiopiens accompliront tous les sacrifices.» Ces contributions citoyennes, qui représentent officiellement 9%du financement, sont évaluées à 21 millions de dollars pour l’année fiscale 2023-2024, et la diaspora aurait versé un total de 10 millions de dollars entre 2022 et 2025. La majorité des financements du GERD (91%) proviennent toutefois de la Banque commerciale éthiopienne (CBE). Si cet organisme public demeure discret sur ses ressources, Donald Trump a cependant déclaré, en juin dernier, que l’administration Biden avait «stupidement financé le barrage éthiopien», ce que nie Addis-Abeba. Fin 2016, l’Égypte a aussi accusé l’Arabie saoudite qui a démenti d’avoir secrètement financé le barrage. En septembre, peu après l’inauguration, des internautes éthiopiens postaient ce genre de commentaires sur les réseaux sociaux: «L’ethnicité et la politique peuvent nous diviser, mais pour le GERD nous ne faisons qu’un»; « Les Éthiopiens peuvent se disputer sur la façon de manger l’injera [le plat national, ndlr] mais pas sur le GERD.» D’autres renvoyaient l’Égypte à ses contradictions: «Nous ne prenons pas le fleuve en otage. Cessez de vous comporter comme si vous étiez assiégés. Gaza est assiégée et vous avez fermé la frontière.» Sonia Le Gouriellec estime que «les possibilités d’action du Caire sont actuellement restreintes, le barrage étant terminé et opérationnel. Une attaque contre le GERD mettrait en péril le Soudan voisin, déclencherait une escalade régionale et serait difficilement défendable aux yeux de la communauté internationale». Plutôt que le recours à la force, «la stratégie de l’Égypte repose davantage sur la pression diplomatique, les alliances régionales et l’adaptation», analyse-t-elle. L’Égypte anticipe une baisse des eaux du Nil: elle creuse environ 5000 nouveaux puits artésiens, érige la plus grande usine de traitement et de recyclage des eaux usées au monde (baptisée New Delta Wastewater Treatment Plant) et diminue les surfaces agricoles consacrées à la riziculture, trop gourmande en eau. L’experte ajoute que «l’Égypte peut également chercher à renforcer ses liens avec Khartoum et s’appuyer sur la Ligue arabe et le Conseil de coopération du Golfe, qui ont déjà exprimé leur soutien à la sécurité hydrique» des pays en aval.
Des pourparlers sous haute tension

L’urgence pour Le Caire est d’obtenir d’Addis-Abeba «un accord contraignant, notamment en ce qui concerne la gestion des périodes de sécheresse, estime Sonia Le Gouriellec. Le cœur du différend aujourd’hui n’est plus tant l’existence du barrage que la gestion de son réservoir. En période normale, avec un remplissage progressif et coordonné, les effets restent globalement gérables. Mais en cas de sécheresse sévère et prolongée, le risque devient particulièrement critique: si l’Éthiopie choisit de privilégier le maintien d’un certain niveau du réservoir, le flux disponible vers l’aval pourrait être fortement réduit». Le Caire demande donc «un algorithme d’opération juridiquement contraignant, définissant à l’avance les règles de gestion du barrage dans toutes les situations hydrologiques ». Toutefois, Addis-Abeba refuse un traité qui lierait sa souveraineté hydraulique. Tout en tenant un discours de bonne volonté, l’Éthiopie veut passer à «l’exploitation selon ses règles». Face à ces tensions, la Commission de l’Union africaine a récemment pressé l’Éthiopie, l’Égypte et le Soudan de «reprendre les pourparlers, sur la base de l’accord de principe de Khartoum du 23 mars 2015», qui n’avait jamais été suivi d’effets. L’Éthiopie ne veut pas entendre parler de médiation onusienne, américaine ou émiratie: Abiy Ahmed a déclaré que «l’Égypte et le Soudan ont tenté d’étouffer le processus de l’Union africaine en internationalisant inutilement le dossier». Le Premier ministre éthiopien n’oublie pas que l’organisation siège à Addis-Abeba…
Abiy Ahmed assure que «le GERD va unifier le pays et changer la vie de 30 à 40 millions d’Éthiopiens», sur une population de 132 millions, dont environ la moitié n’a pas encore d’accès à l’électricité. D’une capacité installée de plus de 5000 MW, le barrage de la Renaissance peut en théorie doubler la production électrique du pays. Mais dans une économie éthiopienne en manque chronique de devises, les autorités misent avant tout sur l’exportation: la vente d’électricité aux pays voisins pourrait engendrer chaque année des revenus d’un milliard de dollars. Elles tablent aussi sur les cryptomonnaies, dont le minage est autorisé depuis 2022: une vingtaine de «fermes de minage», pour la plupart chinoises, se sont installées autour d’Addis-Abeba, attirées par le faible coût de l’électricité éthiopienne et le climat montagnard de la capitale, qui facilite le refroidissement des superordinateurs. Un secteur à haute valeur ajoutée, qui pourrait rapporter jusqu’à 2 milliards de dollars par an à l’Éthiopie. Reste à savoir qui, dans le pays, profitera de cette manne, le secteur des «cryptos» n’étant guère réputé pour sa transparence…
Pour Sonia Le Gouriellec, «sans des investissements massifs dans les réseaux de transport et de distribution, les effets du GERD resteront concentrés dans les zones déjà connectées et ne bénéficieront que partiellement aux populations rurales». Ainsi, la connexion avec le réseau électrique kényan est déjà assurée, tandis que de vastes régions de l’Éthiopie demeurent hors du réseau domestique. «Le GERD a le potentiel de transformer l’économie nationale et régionale, mais son impact social dépendra principalement des infrastructures qui l’accompagnent. » La Banque mondiale, absente du financement du GERD, a accordé l’an dernier un prêt de 523 millions de dollars à l’Éthiopie afin qu’elle modernise son réseau de distribution d’électricité. «Sans redistribution visible des bénéfices, l’unité par le symbole risque de vite s’éroder», alerte Sonia Le Gouriellec, précisant que les opposants en exil critiquent déjà «l’instrumentalisation du GERD par le pouvoir afin de masquer ses échecs internes».
Satisfait de la ferveur patriotique suscitée par la construction du barrage de la Renaissance, Abiy Ahmed avance ses pions pour accomplir un autre objectif ambitieux. Peu avant l’inauguration, le leader éthiopien a rappelé sa volonté, formulée dès 2018, d’en finir avec l’enclavement de son pays, qui a perdu son littoral à l’indépendance de l’Érythrée: «Une erreur qui sera corrigée demain. Il n’existe pas de grands pays sans accès à la mer. » L’Érythrée d’Issayas Afewerki avec qui les relations sont de nouveau tendues après l’alliance de circonstance contre le Tigré a qualifié ces propos de «bruits de bottes imprudents» (reckless sabre rattling). Mais le désenclavement du pays commence à connaître la même ferveur nationaliste que le GERD. La flotte militaire éthiopienne, démantelée en 1996, est en voie de résurrection, avec l’appui du Kremlin: en mars dernier, l’amiral Vladimir Vorobyev, commandant en chef adjoint de la flotte russe, est venu en Éthiopie signer un accord de coopération navale entre les deux pays. Et le 8 juillet, le ministère de la Défense éthiopien a accueilli une promotion d’officiers de marine, formée dans des écoles navales à l’étranger. Des vedettes éthiopiennes vont patrouiller sur le réservoir du GERD…en attendant, peut-être un jour, de retrouver la mer Rouge.
Le plus long fleuve au monde Le bassin du Nil – le fleuve ainsi que tous les cours d’eau qui en dépendent – englobe 11 pays et 280 millions de personnes: Égypte, Soudan, Soudan du Sud, Éthiopie, Érythrée, Kenya, Tanzanie, Ouganda, Rwanda, Burundi, République démocratique du Congo (RDC). Longueur: 6700 km. Débit: 2700 m3/seconde (à la saison des pluies). Nil Bleu: 1450 km (dont environ 800 km sur le territoire éthiopien, où le fleuve est appelé Abay, qui signifie «grand» en amharique). Source: lac Tana. Débit 2300m3/seconde (soit 85%). Nil Blanc: 3700 km. Source: lac Nyanza (Victoria). Débit 400m3/seconde (soit 15%). Nil Blanc et Nil Bleu confluent à Khartoum, capitale du Soudan. 10% seulement des eaux du Nil parviennent jusqu’à la Méditerranée, le reste est consommé par les riverains. |
Un projet vieux de plus d’un siècle Années 1900: la Grande-Bretagne et l’Italie, principales puissances coloniales de la Corne, réfléchissent à un barrage sur le Nil Bleu. 1929 : la Grande-Bretagne conclut un traité avec l’Égypte qui interdit tout projet hydraulique en amont. 1956-1964: le négus Haïlé Sélassié demande aux États-Unis d’étudier la faisabilité d’un barrage sur le Nil Bleu. Le site actuel, près de la frontière soudanaise, est dès lors identifié. 1959 : traité entre l’Égypte et le Soudan pour se partager les eaux du Nil : 55,5 milliards dem3 sont alloués à l’Égypte, 18,5 milliards au Soudan. 1974 : renversement de Haïlé Sélassié par la junte du Derg. 1975-1991: guerre civile éthiopienne. Années 2000: l’Éthiopie, en forte croissance, multiplie la construction de barrages hydroélectriques. Octobre 2009-août 2010: premières études de faisabilité du barrage. Le projet GERD est tenu secret et dénommé «Project X». 31 mars 2011: le Premier ministre Meles Zenawi annonce officiellement le démarrage de la construction du grand barrage de la Renaissance éthiopienne (Great Ethiopian Renaissance Dam). 2 avril 2011: pose de la première pierre. Le chantier principal est confié au groupe italien Salini Impregilo (devenu Webuild en 2020). 23 mars 2015: à Khartoum, accord de principe entre le Soudan, l’Égypte et l’Éthiopie, non suivi d’effets. Avril 2018: Abiy Ahmed Premier ministre. Face aux retards qui s’accumulent, évincement du complexe militaro-industriel METEC. Juillet 2020: première phase de remplissage du réservoir à la saison des pluies. Juillet 2021: deuxième phase de remplissage. 20 février 2022: mise en service d’une première turbine de 375 MW. Août 2022: Mise en service d’une seconde turbine de 375 MW. Août 2024: mise en service de deux turbines de 400 MW. 3 juillet 2025: fin des travaux. 9 septembre 2025: inauguration officielle. |
Le plus grand barrage d’Afrique Le 16e au monde. Hauteur : 145 mètres (170 mètres avec les fondations). Longueur : 1800 mètres. Réservoir : 74 milliards de mètres cubes. 1680 km2. 10,7 millions dem3 de béton utilisé pour sa construction. Emplacement: à 15 km de la frontière soudanaise, dans l’État-région de Benishangul-Gumuz. Capacité électrique installée: 5145 MW (l’équivalent de trois centrales nucléaires). 13 turbines de type «Francis», 11 de 400 MW et 2 de 375 MW. Production attendue : 15700 GWh/an (l’équivalent de la consommation de 6 millions de foyers). Constructeur: Salini Impregilo (devenu Webuild en 2020), n°1 du BTP en Italie. Coût : 5 milliards de dollars. Financement : 91% par la Banque commerciale éthiopienne (ECB), 9% par les citoyens (donations, obligations d’État). 25000 emplois – 33 ouvriers sont officiellement décédés lors de la construction. |