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Basta maman !

Par Jean-Marie Chazeau - Publié en octobre 2016
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Prix du meilleur premier film, Ours d’argent du meilleur acteur au Festival de Berlin, Hedi, du Tunisien Mohamed Ben Attia, raconte la métamorphose d’un fils contre la toute-puissante figure maternelle, juste après le printemps arabe. Un point de vue rare.  
 
Hedi a un joli coup de crayon, mais il dessine pour lui, car il est vendeur chez un concessionnaire automobile de Mahdia (Tunisie). Ce jeune adulte très introverti vit encore chez ses parents à Kairouan, et sa mère (Sabah Bouzouita), possessive et haute en couleur, prépare déjà son mariage avec la jolie fille du voisin qu’il fréquente… même si leur intimité est limitée à leur rencontre régulière dans sa voiture pour discuter, depuis trois ans… C’est d’ailleurs l’une des belles idées du cinéaste Mohamed Ben Attia qui signe ici son premier long-métrage.
 
Son personnage de bon fils, bon frère, bon fiancé et bon salarié, obéissant et passif, va finir par se poser mille et une questions, sans passer à l’acte pour prendre en main son destin. Le tour de force est de faire ressentir au spectateur cette vie intérieure bouillonnante.
 
Or, le jeu tout en retenue du comédien Majd Mastoura intrigue. Rien ne transparaît des sentiments de son personnage dans la routine du quotidien, qu’il semble pourtant subir. Il reste très calme dans toutes les situations, parfois absent… Et pourtant, on devine, sans s’ennuyer, les tourments qui le traversent. Le récit prend même des airs de road movie lorsque son patron l’envoie à la recherche d’entreprises qui pourraient acquérir une flotte de véhicules. Hors de portée de sa mère, Hedi va tomber la veste dans un hôtel.
 
Il va y rencontrer une autre femme, incarnée par la très solaire Rym Ben Messaoud en employée de cet établissement déserté par les touristes, qui lui ouvrira de nouveaux horizons. La situation économique et politique du pays ne sert pas seulement de toile de fond.
 
L’histoire est aussi la métaphore d’une société en pleine transformation. « Je n’ai pas l’air d’un révolutionnaire », dit Hedi en reconnaissant avoir participé à la manifestation du 14 janvier 2011 qui avait poussé Ben Ali à prendre la fuite. Pourtant, c’est bien une révolution sur lui-même qu’il entreprend.
 
Elle passera par une terrible confrontation avec sa mère, avant de se conclure par une décision qui n’avait rien d’évidente, et pourra même surprendre. Un parcours ancré dans la Tunisie d’aujourd’hui. Et un portrait d’un jeune homme très actuel, qui touche aussi à l’universel.