Beyrouk
Le fil de l'horizon

L’écrivain mauritanien évoque un drame intime qui est aussi le DRAME DE TOUT UN PAYS. La confrontation entre deux civilisations. Entre deux mondes.

« JE VEUX effacer de ma mémoire le reste, annihiler ce qui fait souffrir, ne retenir que ces images édéniques où tu t’accrochais à moi, ivre sur les plages du bonheur. » Le dernier livre de Beyrouk est un récit à deux voix, qui va et qui vient, entre l’amour contrarié d’un père et l’égarement de son jeune fils. Deux monologues qui se répondent sans le savoir. Et au cœur desquels se joue une tragédie humaine et sociale, que le désir fou du premier pour la mère du second n’a pu absoudre. Car la femme qui relie ces deux êtres incarne ce que l’un et l’autre ne seront jamais : des citadins nantis, issus d’une lignée privilégiée. Le père demeure le descendant d’une tribu bédouine, un homme du désert. Le fils, hybride, est un errant à l’identité fluctuante, enfant des faubourgs misérables de Nouakchott. Aimer l’impossible est-il un crime ? Que reste-t-il lorsque l’évidence, les injustices, le mensonge détruisent les passions et l’espoir ? Et que s’est-il passé pour que ce père ait été jeté en prison ? L’auteur du Tambour des larmes (prix Ahmadou Kourouma 2016) et du troublant Je suis seul explore une nouvelle fois les contradictions d’une Mauritanie complexe, où l’hérédité et le poids du passé imprègnent invariablement les rapports sociaux. Où la tradition et la modernité se télescopent dans un pays de sable, fleuri ici et là de concentrations urbaines grouillantes. De cette confusion émergent l’exclusion, l’enfermement, la solitude. Des thèmes chers à Beyrouk. Car c’est peut-être là, au plus profond de la claustration, que naît la pensée. Les deux personnages de son roman sont des parias.
Leur introspection révèle une société en pleine mutation. Chante un amour familial, même désespéré. Conseiller culturel à la présidence de son pays et défenseur acharné de la liberté de la presse et d’opinion, Beyrouk est né dans une tribu dont l’espace de nomadisme et de commerce allait du sud du Maroc à Tombouctou, au Mali. Il n’a de cesse d’interroger les habitudes ancestrales bédouines, le déterminisme, le rapport entre les hommes et les femmes, le silence des dunes, l’envie d’un ailleurs. Un adage nomade dit : « L’horizon est ma demeure. » Il préfigure la parution concomitante d’un autre récit poignant de l’auteur, aux éditions Elyzad, en Tunisie : Le Silence des horizons.
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