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Découverte / Côte d’Ivoire

Connectées sur demain

Par Dominique Mobioh Ezoua
Publié le 12 juillet 2024 à 10h00
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Fognon Maïmouna Koné, 34 ans, à la tête de DynExcAfrica, montre un engagement passionné pour l’éducation et la technologie, à travers le STEM Makers Lab, dédié aux jeunes filles ivoiriennes.​​​​​​​

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Maïmouna a un rêve: façonner une nouvelle génération de jeunes filles et de femmes leaders dans les domaines des STEM (science, technology, engineering, and mathematics). Pour donner vie à cette ambition, elle a bâti son parcours avec rigueur et passion. Aussi, à 34 ans, s’affirme-t-elle comme une figure de proue de l’excellence féminine. Reconnue parmi les 60 femmes qui changent le monde avec leurs initiatives technologiques, elle a été lauréate du prix Top 10 des acteurs du développement de l’entrepreneuriat jeune. Et son influence et son dévouement dans le domaine de l’innovation ont été reconnus lorsqu’elle a été classée parmi les vingt jeunes prometteurs de Côte d’Ivoire en 2023.

Originaire de Korhogo, Maïmouna a grandi dans un environnement où l’éducation était valorisée. «Mes parents ont toujours insisté sur l’importance d’apprendre et de se dépasser», confie-t-elle. Elle poursuit ses études primaires, secondaires et universitaires en Côte d’Ivoire, son pays natal. Sa carrière débute modestement, mais décolle rapidement. Forte d’une formation en droit privé, enrichie par des certifications en leadership, en développement personnel et en design thinking de l’Université de Californie, à Davis, elle a d’autres cordes à son arc: productrice audiovisuelle, animatrice, présentatrice radio et télé, coordonnatrice de projets PR & Communication, consultante en stratégie, et conceptrice d’activités pour les jeunes filles. Elle travaille d’abord comme assistante en animation dans une radio FM, Radio Jam, ce qui lui permet d’affiner sa capacité à captiver l’attention de son auditoire.

Promouvoir l'accès aux outils

Dans son parcours, où cohabitent passion pour la technologie et volonté de se munir d’une bonne instruction, se dégage aussi l’envie de s’attaquer aux conséquences causées par le fossé numérique. Promouvoir l’accès universel au savoir et aux outils technologiques devient son credo. Elle entreprend quelques initiatives novatrices pour l’émancipation des femmes et des filles, notamment avec le Young Women Digital Program, un dispositif visant à renforcer les compétences des jeunes femmes dans les domaines des outils informatiques,collaboratifs et du marketing digital. En 2018, elle fonde DynExcAfrica (DEA), qui signifie «dynamiques et excellentes d’Afrique». L’objectif est de promouvoir les STEM parmi les femmes et les filles des quartiers populaires, tout en les formant gratuitement. L’idée de cette ONG, qui fonctionne avec une petite dizaine de formatrices et formateurs, a germé dans l’esprit de Fognon Maïmouna Koné, à la fois fondatrice et directrice exécutive, lorsqu’elle a réalisé l’ampleur de la fracture numérique en Côte d’Ivoire et l’importance de l’inclusion technologique pour le développement de son pays.

Le talent au féminin 

DynExcAfrica, avec trente projets déjà mis en place, a un impact social important. «Nous formons et sensibilisons les filles et les femmes à travers le pays, en les préparant à être compétitives dans le domaine technologique», explique-t-elle. Très vite, l’un des objectifs a été de conceptualiser et de créer le premier STEM Makers Lab made in Côte d’Ivoire, lequel accueille cent femmes et jeunes filles chaque mois. Cette initiative révolutionnaire, soutenue par l’État, entend favoriser l’émergence d’un esprit novateur au sein de la gent féminine. Et depuis sa création, elle connaît une belle croissance. En six ans d’existence, soit de 2018 à 2024, les chiffres sont encourageants. Dans le domaine de la formation, les programmes Girls STEM Academy ont accompagné près de 400 jeunes filles et environ 150 femmes. Et l’impact dans la vie des bénéficiaires est bien visible: 98% de taux de réussite au BEPC et au baccalauréat, 90% dans les filières scientifiques, 65% avec un emploi. Enfin, 100% terminent leur parcours scolaire! Par ailleurs, ce ne sont pas moins de 9000 jeunes filles qui ont été sensibilisées et initiées, dont 1600 formées à la robotique, au code informatique ou au pilotage de drones.

Proposé sous forme d’ateliers, de cours ou de concours, avec le DynExcAfrica STEM Tour ou la First Lego League, par exemple, le programme de DynExcAfrica a permis de développer plus de quarante applications à ce jour. Il est devenu au fil des années «la référence ivoirienne de détection des jeunes talents au féminin de la robotique».

Rose Goyéli Tuo a bénéficié de cet accompagnement. Âgée de 15 ans, elle reçoit pour son application  X-Market le prix spécial du Jury 2021 au Concours de robotique de l’Ambassade des États-Unis  récompense décernée par les Margaret Junior. Cet outil est dédié à la gestion des boutiques ambulantes en bordure de routes en Côte d’Ivoire, permettant de réduire accidents, querelles de voisinage, altercations entre vendeurs et autorités publiques...

Très tôt dans son cheminement, Fognon Maïmouna Koné a perçu l’importance de s’aligner avec les initiatives gouvernementales pour maximiser l’impact de son organisation. Également conférencière, elle est régulièrement sollicitée en Côte d’Ivoire et à l’étranger pour partager son expertise sur les STEM, le numérique et les questions liées aux femmes et aux jeunes filles. Nommée ambassadrice de l’innovation par le ministère ivoirien de l’Économie numérique et de l’Innovation, elle a pu étendre l’influence de DynExcAfrica à travers toute la Côte d’Ivoire, en accédant aux endroits les plus reculés et en apportant l’éducation STEM là où elle était auparavant inexistante.

Grâce à cette collaboration, de nombreuses jeunes filles ont accès à des ressources et à des opportunités qui les préparent à un avenir dans les STEM. «À travers l’Agence emploi jeunes du ministère de la Jeunesse, la politique de l’État de Côte d’Ivoire pour accompagner les jeunes est réelle. Cet appui n’est pas simplement un soutien, mais la validation de notre travail, qui nous permet d’œuvrer dans différents établissements éducatifs sur l’ensemble du territoire», estime la jeune entrepreneuse.

Devenir une référence

À long terme, l’objectif de DynExcAfrica, qui comptabilise déjà neuf distinctions, est de devenir une organisation stratégique de référence dans la promotion des STEM et de se déployer partout en Afrique. En se concentrant sur l’éducation et l’autonomisation des filles et des femmes, Fognon Maïmouna Koné ne se contente pas de défendre l’égalité entre les genres, elle bâtit bel et bien les fondations d’une société plus équitable et prospère.