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Ce que j'ai appris

Conti Bilong

Par Astrid Krivian - Publié en juin 2023
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Conti Bilong.ADILSON FELIX PHOTOGRAPHER
Conti Bilong.ADILSON FELIX PHOTOGRAPHER

Avec son trio, le Batteur et Chanteur camerounais mixe dans son nouvel album les harmonies du jazz aux grooves de sa terre natale. Cet ancien équipier du regretté Manu Dibango conjugue avec maestria enracinement dans sa culture et ouverture au monde.

Conti Bilong Trio, Jazz Explorer, Inouïe distribution.DR
Conti Bilong Trio, Jazz Explorer, Inouïe distribution.DR

J’ai commencé la musique enfant, au sein de la fanfare de l’école. Je suis né dans une famille de musiciens ; mon frère aîné est batteur, ça m’a donné le goût de la batterie ! J’ai appris au collège, auprès d’un ami qui avait un groupe. Je participais aux concerts scolaires. J’ai grandi dans la petite ville de Nkongsamba, mais je passais toutes mes vacances à Douala, la capitale économique du Cameroun, cœur battant de la scène musicale ! Je me produisais dans les clubs. Un jour, on m’a présenté au célèbre chanteur et musicien Sam Fan Thomas. Il a aimé mon jeu. Je suis parti en tournée avec lui à l’étranger, j’avais 17 ans ! Ma mère avait signé une autorisation pour que j’obtienne un passeport. Jouer dans les clubs de Douala a été très formateur. Comme il n’y avait pas de conservatoire ou d’école de musique dans le pays, les musiciens s’initiaient ainsi. J’ai appris les standards de jazz, pop, rock, soul, variété internationale – George Benson, Al Jarreau, Duke Ellington… Je suis tombé amoureux de ces musiques. À 30 ans, j’ai décidé de partir m’installer en France. J’ai étudié à la Bill Evans Piano Academy et à la Schola Cantorum. Au bout de quelques mois, j’ai été repéré par Manu Dibango et intégré son Soul Makossa Band ! Je l’ai accompagné à travers le monde pendant quinze ans. Côtoyer une personne d’une telle envergure vous apprend à vous professionnaliser davantage, à affiner votre vision de la musique, à être rigoureux, précis. C’est également une école de la vie, on bénéficie de son expérience. Il écrivait ses compositions, c’était une entrée dans la musique académique, il fallait s’accrocher. Nos spectacles avec les orchestres philharmoniques de Rotterdam et de Paris m’ont particulièrement marqué. Un oncle me disait toujours : « Même si tu atteins le sommet, on te respecte si tu es humble et gentil. » Il faut être soi-même et laisser les autres venir vers nous. J’ai eu la chance de parcourir la planète, de rencontrer des gens dans des pays différents, de découvrir leur façon de vivre. Ça m’a nourri. On se rend compte que l’être humain est presque partout le même. L’essence même de la vie, c’est embrasser la différence, s’ouvrir à l’autre. La batterie est toujours un challenge, car il faut sans cesse devenir meilleur ! Si on s’arrête de travailler, on n’est plus qui l’on est. C’est comme une fleur que l’on ne veut pas voir faner ! Je m’exerce donc tous les jours. Je ne joue pas avec des œillères, je suis curieux, ouvert aux différents styles. Mon dernier album mêle des harmonies jazz avec des grooves camerounais – makossa, bikutsi, ekang (d’après le nom de cette ethnie)… Je chante en bassa, ma langue maternelle, et en douala l’amour, le quotidien, les choses de la vie, la complexité des humains, qui peut engendrer des désastres comme la guerre. C’est capital de puiser dans les rythmes de mon pays. La musique, ce n’est pas que de l’enseignement, c’est aussi une culture, des choses qui se transmettent dans notre environnement. Valoriser l’Afrique est très important pour moi ; si on ne le fait pas, qui le fera ?