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histoire

Dakar 66, sous l’étendard de la négritude

Par Loraine Adam - Publié en avril 2016
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Ce fut un événement sans précédent dans l’histoire culturelle du continent. Le premier Festival mondial des arts nègres s’est déroulé à Dakar du 1er au 24 avril 1966. Écrivains, archéologues, conservateurs, historiens, ethnologues, cinéastes et musiciens dont Duke Ellington, Joséphine Baker, les ballets nationaux du Tchad, Wole Soyinka, Iba Ndiaye ou encore Michel Leiris, ont ainsi participé à l’effervescence d’une Afrique nouvelle, libérée du joug colonial. Un fabuleux brassage qui s’est ouvert avec les vibrants discours de Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire et André Malraux. Dominique Malaquais (photo), critique et historienne d’art, chargée de recherche en sciences politiques au CNRS, a conçu ce parcours avec Sarah Frioux-Salgas, archiviste au Musée du quai Branly, et Cédric Vincent, anthropologue.

AM : Quel angle avez-vous choisi ?
Dominique Malaquais : Celui de l’exploration des traces en images, en sons et en mots pour réfléchir avec le public à la densité et à la complexité de cet événement à l’aune de phénomènes marquants des années 1960 et 1970. C’est la place que le continent occupe dans la construction de la modernité qui est mise en exergue, et donc un pan capital de l’histoire de notre globalisation récente. En visionnant les spectacles, on ne peut que se demander ce qui se passait dans les coulisses. Il était important de penser d’une manière holistique, en se focalisant sur ce qui est visible et en cherchant à comprendre ce qui échappe au regard.

En quoi cela fut un festival majeur ?
En 1959, le second Congrès des écrivains et artistes noirs de Rome lança le projet d’un festival du monde noir organisé sur le continent. Dakar 66 en fut la première édition et ouvrit la voie à d’autres manifestations à vocation panafricaine où l’art, la littérature, la performance et le cinéma allaient jouer un rôle crucial de vecteurs sociaux, politiques et économiques, dont le premier Festival culturel panafricain (Alger, 1969), le deuxième Festival mondial des arts nègres (Lagos, 1977), ou le Fespaco (Ouagadougou, 1969) qui existe toujours. Des jalons essentiels pour une compréhension de la décennie et demie qui a suivi la vague des indépendances africaines. En cela, ils sont à replacer dans un contexte intellectuel, culturel et géopolitique à la fois large, complexe et immensément riche.

Que reste-t-il de cet élan ?
Si de telles manifestations ne sont plus à l’ordre du jour ou ne peuvent plus avoir le même retentissement, d’autres d’initiatives ont pris le relais même s’il ne s’agit pas forcément de manifestations festivalières. La plate-forme Chimurenga, à visée expressément panafricaine, développe revue, journal, publications, expositions, bibliothèque en ligne, radio Web, conférences… Intellectuels, créateurs et activistes y échangent autour de questions cruciales pour qui s’intéresse au politique dans le monde africain et au-delà. propos recueillis par Loraine AdamMusée du quai Branly jusqu’au 15 mai 2016. quaibranly.fr