Aller au contenu principal

Delly Sesanga

Par Sabine.CESSOU - Publié en avril 2016
Share

DÉPUTÉ DE L’OPPOSITION

« Le peuple donnera le pouvoir à qui il voudra »

Député du Kasaï-Occidental et chef du parti d’opposition L’Envol, cet ancien membre fondateur du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), populaire pour sa fronde contre le pouvoir actuel, a été directeur de cabinet de Jean-Pierre Bemba de 2003 à 2006, puis ministre du Plan en 2006.

AM : La RDC va-t-elle vers une crise ?
Delly Sesanga : Tous les ingrédients sont réunis. Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations unies, est venu en février pour demander qu’un dialogue soit organisé. Le pouvoir a distribué des tracts pour en appeler à un « éveil nationaliste » contre ceux qui « veulent mettre Kabila et le pays à genoux ». Le dîner d’honneur organisé pour Ban Ki-moon a été boudé par le chef de l’État ! Pour la première fois de son histoire, la nation congolaise va choisir un président par les urnes. Kabila a succédé à son père en 2001 par la voie dynastique. Pour une fois, le peuple va exercer un vrai choix. Si ce rendez-vous du droit n’a pas lieu, une vraie menace plane sur l’évolution du pays.

Un risque de conflit violent existe-t-il ?
Je le crains. C’est une hypothèse qu’il ne faut pas exclure. Il ne faut pas sous-estimer Kabila, qui a encore des cartes en main. Il peut jouer le jeu institutionnel comme il peut vouloir imposer un rapport de forces brut, militaire.

La paix n’est-elle pas précaire, dans un pays où les ex-rebelles comme vous détiennent des positions de pouvoir ?Nous avons choisi la voie des armes parce que celle de la démocratie était fermée. Pourquoi avons-nous accepté Joseph Kabila ?
En 2006, j’ai demandé à Jean-Pierre Bemba de reconnaître Kabila. L’espérance en la paix était supérieure à un combat armé à Kinshasa. Je l’assume, sans regrets. Nous qui avons fait la guerre connaissons le prix de la paix. Celle-ci ne doit pas pour autant devenir un moyen de chantage, pour bloquer le système et permettre des régressions démocratiques.

Sur quel scénario travaillez-vous ?
L’organisation de la présidentielle en novembre 2016. La Constitution doit être préservée : elle est la synthèse des solutions à tous nos problèmes. Elle a mis fin à une longue tragédie. Pour arrêter la guerre, on s’est dit qu’il y aurait deux mandats et plus de président à vie. Le peuple donnera le pouvoir à qui il voudra.

Quelles sont vos options ?
Mobiliser la population de manière pacifique. Kabila a déjà reculé en janvier 2015 dans son projet de modification de la loi électorale, à cause des manifestations à Kinshasa. Le jour où la RDC va se prononcer pour un vrai changement démocratique, comme au Sénégal et au Burkina Faso, elle enverra un message très fort en Afrique francophone en faveur de la paix et de la sécurité. Dix ans de présence des Nations unies ont coûté plus de 20 milliards de dollars et justifieraient un monitoring politique de la communauté internationale aujourd’hui. Notre pays est assisté de manière permanente. Il ne peut pas se permettre de reculer.

L’opposition est-elle divisée et faible ?
La majorité utilise tous les moyens dont elle dispose pour nous diviser et restreindre l’espace d’expression. On m’a interdit d’aller dans le Bandundu pour un congrès. L’avion est resté bloqué sur le tarmac de l’aéroport à Kinshasa. Le Katanga, fief de Moïse Katumbi, se trouve sous état de siège. La nomination d’un porte-parole de l’opposition, prévue par une loi en 2007 sur le statut de l’opposition, n’a jamais eu lieu. Le pouvoir n’en veut pas. Nous sommes unis, dans l’opposition, contre le troisième mandat et pour le respect de la Constitution. Des voix s’expriment pour une candidature et un projet communs, qui aille plus loin que faire partir Kabila.