Élections locales : une étape décisive
Par
Emmanuelle Pontié -
Publié en avril 2018
Des élus davantage à l’écoute des citoyens et plus proches de leurs problématiques au quotidien, qui pourront intervenir dans un large panel de domaines : c’est ce qui devrait ressortir des prochains scrutins municipaux et régionaux.
Après les premières élections sénatoriales qui se sont tenues le 24 mars dernier, l’année 2018 verra le renouvellement des mandats des maires et présidents de régions, qui seront échus le 21 avril prochain. Le 24 janvier dernier, la Commission électorale ivoirienne déclarait que les scrutins seraient couplés et le fichier électoral préalablement révisé. À ce jour, la date retenue pour les locales et régionales n’a pas été fixée, même si plusieurs sources avançaient en mars dernier que les municipales et régionales devraient vraisemblablement avoir lieu entre juillet et août 2018. Dans les 197 communes ivoiriennes et les 31 régions assorties de deux districts autonomes à Abidjan et Yamoussoukro, on se prépare déjà sur le terrain. Les candidatures se déclarent peu à peu dans les grandes communes d’Abidjan, et les alliances se font et se défont. Un peu partout, on s’attend à un rajeunissement des candidats. Selon Charles Sanga, maire RHDP de Tafiré depuis avril 2013, une commune rurale de 23 000 habitants située à 150 kilomètres au nord de Bouaké, « un recensement devrait avoir lieu avant le scrutin, qui intégrera les nouveaux majeurs de 18 ans. Le dernier, qui avait eu lieu en 2015, a été boycotté par le FPI, ce qui ne devrait pas être le cas cette fois-ci ». Les municipales de 2018, selon la plupart des observateurs, seront un bon test pour la présidentielle de 2020 et témoigneront entre autres de la solidité du parti unifié, le RHDP, qui présentera cette fois-ci des listes. Tout dépendra du nombre de candidats qui décideront de continuer à rouler pour leur parti d’origine, tournant le dos à l’alliance qui n’existait pas en 2013. Exemple : Akossi Bendjo, maire PDCI de la commune du Plateau à Abidjan, à moins qu’il ne change de position d’ici là, est opposé au parti unifié et devrait se présenter sous les couleurs du PDCI. Avec face à lui, le communicant Fabrice Sawegnon, candidat déclaré du RHDP. Autre test : le poids du parti d’opposition, le FPI. Selon un bon connaisseur de la vie politique locale : « Le FPI ne pèse plus grand-chose dans le pays, mais a encore quelques fiefs où ses candidats vont se battre pour conserver des communes rurales, du côté de Gagnoa ou Bongouanou. Leur parti conserve quelques assises idéologiques à l’ouest, vers Bangolo, Guiglo, Duékoué, au sud aussi chez les Attiés ou les Abbeys. On peut aussi supposer, après dix ans d’absence de gestion, qu’ils vont tenter de récupérer les communes de Yopougon, Koumassi, Cocody ou Marcory, qu’ils possédaient en 2010. Sans espoir d’y parvenir. Peut-être gagneront-ils quelques sièges dans les conseils municipaux, vu qu’il s’agit d’une élection proportionnelle à un tour. Et ailleurs et pratiquement partout dans le pays, on s’attend à un raz-de-marée du RHDP ».
Davantage d’autonomie
L’autre enjeu du scrutin à venir tourne autour du pari de la décentralisation. Le président Ouattara en a fait une des priorités de son mandat. À la Direction générale de la décentralisation et du développement local (DGDDL), on en est bien conscient. Placée sous la tutelle du ministère de l’Intérieur, cette direction joue le rôle de courroie entre l’État et les collectivités, coordonne leurs projets communs, contrôle les transferts de compétence qui concernent à ce jour 16 secteurs, dont notamment la santé, l’éducation, l’environnement, et détache des fonctionnaires en appui aux collectivités dans une grande diversité de domaines. Les mairies, satisfaites de la volonté nationale de donner davantage d’autonomie aux communes, sont en attente de ses retombées concrètes. Car les besoins sont grands, en matière d’infrastructures sociales, d’adduction d’eau, d’électrification, de soutien à l’emploi, de routes, de moyens de transport… Du côté des conseils régionaux, même son de cloche. Les Ivoiriens ont déjà pu constater que de plus en plus de projets voient le jour via les régions et leurs présidents, le Conseil régional étant devenu l’interlocuteur et le maître d’ouvrage à la place de l’État, dans plusieurs cas concrets. Ces derniers traitent dorénavant directement avec les bailleurs de fonds, qui soutiennent des projets de proximité, y compris dans le domaine de l’environnement. C’est le cas par exemple de l’Agence française de développement (AFD) qui finance le programme Écoter (Économie des territoires) pour un coût global de 35 millions d’euros, visant le développement économique des territoires ruraux en mettant en avant la gestion durable des forêts. Un nouveau témoignage de transfert de compétences utile, selon la majorité des Ivoiriens. Ils savent, pour la plupart, que leurs élus « locaux » seront davantage au fait de la réalité des attentes des citoyens sur le terrain. Et c’est l’une des raisons pour lesquelles le taux de participation pour ces prochaines élections pourrait être assez élevé, en zones rurales comme urbaines. La récente création du Sénat, enfin, devra renforcer encore la décentralisation, puisque les lois concernant les collectivités décentralisées passeront, selon le nouveau système bicaméral de la Côte d’Ivoire, par le Sénat d’abord avant d’être soumises à l’Assemblée nationale.