Éthiopie
Demeure en péril
Après deux années d’une guerre civile dévastatrice dans le Tigré, les plaies sont profondes. Les armes se sont tues, mais rien n’est réglé sur le fond. La question des équilibres entre pouvoir central, régions et nationalités se pose plus que jamais dans cette fédération de plus de 110 millions d’habitants.
À la fin du mois d’avril, l’accord de paix signé le 2 novembre 2022 à Pretoria, en Afrique du Sud, entre le gouvernement fédéral éthiopien et le Front de libération du peuple du Tigré (FLPT) aura déjà tenu six mois. Lentement, la vie reprend son cours dans la région rebelle. La capitale régionale Mekele et la ville de Shire ont de nouveau accès à l’électricité et aux réseaux de téléphonie mobile. « Les enfants peuvent enfin retourner à l’école. Est-ce que cela va durer ou non ? Je ne peux pas le prédire, les choses restent fragiles », confiait il y a peu Mamadou Dian Baldé, représentant en Éthiopie du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR). D’ailleurs, les camions envoyés par ce programme de l’ONU peuvent maintenant se rendre dans la zone, où l’accès leur était interdit depuis l’échec, en août, d’un précédent cessez-le-feu. La vice-présidente de l’Association française pour les Nations unies Claire Brisset estime néanmoins, dans une tribune publiée en décembre par Le Monde, qu’il faudrait « une noria d’avions gros-porteurs » pour satisfaire les besoins humanitaires des quelque 5 millions de Tigréens, déplorant au passage l’indifférence des Occidentaux, absorbés par le conflit entre la Russie et l’Ukraine. En attendant cette flotte salvatrice, Ethiopian Airlines, véritable fleuron national, dessert de nouveau le nord du pays, signe tangible d’une volonté de normalisation. À bord de ses avions, les passagers ont droit au visionnage d’une idyllique vidéo de promotion, à plusieurs reprises, vantant aux touristes (et aux investisseurs) les richesses et la diversité du pays. Le court-métrage s’achève sur le discours grandiloquent de la présidente en personne. En faisant référence à Lucy, ancêtre de l’humanité dont les ossements ont été découverts en pays Afar en 1974, SahleWork Zewde clame, enthousiaste : « En un sens, nous sommes tous Éthiopiens ! »