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Flora Coquerel : « Vivre ma vie de Miss à 100 % »

Par Michael Ayorinde
Publié le 14 avril 2014 à 08h30
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Même pas pleuré ! Des sourires perlés de larmes, c’est pourtant l’image incontournable de toute gagnante d’un concours de beauté. Rien de tout cela avec Flora Coquerel quand, dans la nuit du 7 au 8 décembre, sur la scène du Zénith de Dijon, on annonce enfin, après trois heures de show bonbon rose sur le thème de « l’univers féerique des contes et des princesses » , que les téléspectateurs l’ont élue Miss France 2014.

« De toute façon, je ne suis pas spécialement émotive, confie-t-elle, et il n’y a pas lieu de pleurer pour tout et n’importe quoi. » Une manière de remettre les choses à leur juste place pour cette superbe jeune fille de 19 ans, au corps de liane (1,82 m) et dont le visage présente un air de ressemblance avec… une certaine Sonia Rolland. Après la splendide métisse franco-rwandaise élue Miss France en 1999 et devenue depuis actrice, Flora est la seconde femme d’origine africaine à remporter ce titre, et la sixième fille « de couleur » quand on y ajoute les quatre autres reines venues des DOM.

Un père français, Frédéric, chef d’entreprise, et une mère, Sephi, assistante maternelle, originaire du village d’Alejo, dans le nord-ouest du Bénin. Papa, parti à 22 ans dans ce pays avec l’Association française des volontaires du progrès (AFVP), y rencontre sa future femme. Flora naîtra à Mont-Saint-Aignan en Normandie avant que la famille ne s’installe dans le village de Monancez (Eure-et-Loir). La belle est étudiante en deuxième année de BTS commerce international. Une soeur âgée de 28 ans, Abiba, et un frère de 21 ans, Cédric. Une vie « toute simple, en France profonde », résume celle qui représentait l’Orléanais. Entretien avec une jeune fille dont le débit saccadé, nerveux, trahit son « principal défaut », la timidité.

Comment avez-vous vécu ce premier mois de Miss France ?

Je commence à m’y faire, mais je ne suis pas toujours très à l’aise avec les médias. J’aimerais davantage parler des causes qui me sont chères, l’alphabétisation et l’insertion des femmes dans le monde du travail. Mais les médias recherchent avant tout le sensationnel…

Vous avez connu des moments magiques ?

Moi qui adore la mode, j’ai déjà pu rencontrer Jean Paul Gaultier, mon styliste favori. J’ai toujours été attirée par le stylisme et j’ai fait un peu de mannequinat. Vu le BTS que je prépare, je voudrais travailler dans le commerce de luxe, donc plus je rencontrerai de personnalités, mieux ce sera…

Vous connaissez l’Afrique ?

J’ai passé les trois premières années en Guinée où mon père avait trouvé du travail. Plus tard, nous sommes allés assez souvent au Bénin. Mes parents sont à la tête d’une association, Inter-Action Bénin, qui récolte des fonds pour financer la construction d’écoles et vise à favoriser la scolarisation en attribuant à chaque petit Béninois choisi un parrain ou une marraine français. J’ai toujours participé à leur action. Mais ça fait sept ans que je n’y suis pas retournée à cause du prix des billets… Et puis, à partir de 16 ans, je voulais avoir un job pour être indépendante financièrement. J’ai donc travaillé l’été, même en usine ! Cela dit, ma grand-mère maternelle, que j’adore, me manque beaucoup. J’aimerais, avec mon titre, attirer la lumière des médias sur notre pays.

Votre pays ? Vous vous sentez plus béninoise que française ?

Non, le Bénin est le pays pour lequel j’ai évidemment une affection particulière, mais je suis française avant tout… Tout ce que je sais, c’est que l’Afrique n’est pas seulement ce continent accablé de fléaux, comme le prétend l’Occident. La France devrait se regarder avant de critiquer les autres.

Qu’est-ce que vous voulez dire ?

Même si ça peut paraître naïf, pour moi, l’Afrique, c’est le partage, l’ouverture à l’autre. C’est une grande famille, même si on n’a pas de liens de sang. Quand j’étais une petite fille, j’adorais que tout le monde soit « tata », qu’on soit tous « frères » et « soeurs ». En Occident, on est loin de tout ça !

Une certaine France a encore frappé quand elle a émis de nombreux commentaires racistes à propos de votre élection…

Quand j’étais au lycée de Chartres, j’avais des copains et copines d’origines maghrébine, portugaise ou asiatique et je n’avais jamais connu ce genre de problème. Ce qui m’importe, c’est que la majorité des Français m’a appréciée et cela m’a agréablement surprise. J’ai donc envie d’en conclure que ce pays n’est pas raciste. Je suis fière de représenter une France multiculturelle, j’assume totalement mon métissage. Et je veux vivre ma vie de Miss à 100 %.

Quelle est la question que vous détestez que l’on vous pose ?

Toutes les questions inutiles, du style : « Avez-vous un petit copain ? »

Par Jean-Michel DENIS