Aller au contenu principal
MATHIEU THOISY
MATHIEU THOISY
Parcours

Gaël Kamilindi avec son magnifique documentaire Didy

Par Astrid Krivian - Publié le 28 février 2025 à 14h12
Share

​​​​​​​l’acteur pensionnaire de la Comédie-Française et cinéaste retrace l’histoire de sa mère au Rwanda. Retissant le lien avec ses origines, ce portrait sensible, émouvant, spirituel, oppose à l’absence la vitalité de la mémoire, du geste créatif.

didy, coréalisé avec François-Xavier Destors, CPB Films.DR
didy, coréalisé avec François-Xavier Destors, CPB Films. DR

Il l a passé sa prime enfance entre l’ex-Zaïre  où il est né en 1986, à Kinshasa , le Burundi et le Rwanda, pays de sa mère, Didy, qu’elle a fui en raison des violences perpétrées envers les Tutsi par les Hutu. Gaël Kamilindi n’a que 5 ans lorsqu’elle est emportée par le sida, en 1992. Peu après, il émigre en Suisse où il est élevé par sa tante. Avec son film bouleversant, le comédien remonte le fil de l’histoire maternelle et esquisse un portrait sensible, recueillant la parole des sœurs, des ami(e)s de sa mère, croisant les archives familiales. «Avec l’absence, je l’avais mise sur un piédestal. Elle incarnait une figure maternelle héroïque, iconique. J’avais besoin de découvrir sa complexité, son humanité, ses failles, ses peurs, ses doutes. Sans aucun souvenir de sa voix, je voulais que l’on me raconte Didy à travers les sens  son parfum, son regard, etc.», indique-t-il. L’artiste reconstruit aussi son lien avec le Rwanda, où il s’ancre désormais régulièrement pour «rattraper le temps perdu imposé par l’exil». Pendant longtemps, le souvenir de sa mère et celui du pays aux mille collines se confondaient dans son esprit. Le film témoigne de cette quête intime et charnelle d’une terre originelle, maternelle. Des scènes spirituelles le ponctuent, où Gaël Kamilindi pratique des gestes inspirés de rituels funéraires précoloniaux: bain purificateur, veillée autour d’un feu, pétrissage de la terre, enduisage de cendres. «Ces rites de passage accueillent le deuil; ils devaient s’inscrire dans ma chair, y laisser une trace intime.»

Une manière aussi de faire sépulture, quand le cimetière où reposait Didy au Burundi a été viabilisé, les pelleteuses réduisant tout en poussière. «Ce film est un tombeau symbolique, immortel. Gravée sur des images, la mémoire de ma mère se ravive à l’infini.» Primé à l’international, notamment diffusé au festival Le Grand Bivouac d’Albertville à l’automne 2024, didy est présenté en compétition officielle du Fespaco 2025 à Ouagadougou.

Sa passion pour l’art dramatique est-elle un chemin pour retrouver ce goût de l’enfance, une innocence trop tôt perdue? À Genève, où il grandit, la découverte du théâtre à 12 ans est en tout cas une évidence. «Sur scène, j’étais dans un émerveillement, une naïveté, une candeur. Le jeu est lié à l’enfance, aux histoires, à notre place qu’il faut trouver. Je respirais, le théâtre a apaisé mon âme.»

Après son bac, il étudie au conservatoire de sa ville, puis entre au Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris à 22 ans. Il apprend à s’écouter, à développer son indépendance artistique, son intuition, son instinct, sa confiance. En 2017, il intègre la troupe de la Comédie- Française. Sur un rythme de travail très soutenu  jusqu’à 14 représentations par semaine , il fait vibrer les grands textes classiques comme les écritures contemporaines.

Au cours de sa prolifique carrière sur les planches (Lucrèce Borgia, Le Roi Lear, En attendant Godot...), il a entre autres travaillé sous la direction de Denis Podalydès, Jean-Pierre Vincent, Robert Wilson. «L’art du comédien est un merveilleux terrain d’exploration de l’âme humaine. On plonge dans des recoins sombres de nous-mêmes. C’est très libérateur, cathartique.»