IDRISSA OUEDRAOGO :
21 JANVIER 1954 - 18 FÉVRIER 2018
Il promenait sa longue silhouette sur les plateaux de tournage et les festivals, évoquant avec talent des histoires, des images, des projets, des films, des séries… Grand Prix du jury à Cannes en 1990, le réalisateur burkinabè, l’une des figures du cinéma africain contemporain, s’est éteint si prématurément à Ouagadougou, à 64 ans.
En 1987, Yam Daabo (« Le choix ») est projeté dans une salle de Ouaga en plein Fespaco. En sortant du cinéma, un grand type plutôt négligé, en tongs, est assis sur une marche. Je ne le connais pas. Il m’interpelle : « Salut ! Tu as vu le film ? Tu as aimé ? ». Je fais mine de ne pas le voir. Il insiste. Et je lui confie que ce premier long-métrage m’a éblouie, que j’ai adoré. Le naturel des acteurs, la lumière sublime, la caméra lente, les paysages beaux à couper le souffle. Il affiche tout à coup un immense sourire et me lance : « C’est moi qui l’ai fait ! ». Je reste coite. Ce petit chef-d’oeuvre ouvrira la voie à la carrière exceptionnelle que l’on connaît. Avec Yaaba (1989), puis Tilaï, Grand Prix du jury à Cannes en 1990 et Étalon de Yennenga au Fespaco l’année d’après, suivis de Samba Traoré en 1992 et Kini & Adams en 1997, qu’il tourne en anglais en Afrique du Sud. On se souvient aussi de sa mise en scène de La Tragédie du roi Christophe d’Aimé Césaire en 1991 à la Comédie-Française. Et bien sûr de la première série burkinabè, Kadi Jolie, qui fait le tour du continent. Idrissa, réaliste ou résigné, disait au début des années 2000 à qui voulait l’entendre que le cinéma africain n’avançait pas, que l’heure était aux séries, à la télé, aux DVD aussi. Il sort encore La Colère des dieux en 2003. En tout, son oeuvre prolifique laisse dix longs-métrages, une vingtaine de documentaires, courts-métrages ou films collectifs moins connus, plusieurs séries télé. Infatigable militant du 7e art, il oeuvre aussi un temps à la restauration des salles de Ouagadougou, à la demande du président Blaise Compaoré. Il anime, programme, attire les spectateurs… Puis moins, les temps changent. Mais Idrissa, jusqu’au bout, parlait images, talents, financements, avenir. De festivals en festivals, dans le monde entier, il défendait la toile africaine. Autour d’un verre, d’une cigarette, tard dans la nuit. Avec ce large sourire vissé sur le visage. Et cette incroyable bonhomie, celle des grands, des généreux, des « au-dessus du lot », qui ne prennent pas la grosse tête. Pourtant, Idrissa Ouedraogo aurait pu. Car c’est une icône du cinéma africain qui s’en est allée le 18 février dernier, à 64 ans. Et aussi un ami.