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Il faut un président chic à la France!

Par Elodie Vermeil - Publié en mai 2012
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DIMANCHE 22 AVRIL, premier tour de la présidentielle française à Abidjan. En cette fin de matinée, les électeurs enregistrés au consulat de France font la queue sous un soleil de plomb. L’ambiance est détendue : on se salue, on devise, on attend sagement son tour. Lise, métisse franco-ivoirienne croisée à la sortie des bureaux de vote, vient d’accomplir son devoir citoyen et s’apprête à partir pour la plage. « Ça change d’il y a deux ans », dit-elle. Dotée de la double nationalité, elle avait aussi voté pour élire le nouveau président ivoirien fin 2010. « Je me souviens d’une ambiance oppressante. Tout le monde se jaugeait du coin de l’œil. En rentrant chez moi, je m’étais sentie libérée d’un poids. Aujourd’hui, c’est relax, les Français sont venus voter avec du sable dans les poches : sous les urnes, la plage, quoi. » À tel point que certains Ivoiriens, comme Mark, ont fait un détour par le consulat juste pour l’occasion. « J’avais envie de voir comment ça se passe chez les toubabous. Y a rien, c’est propre. On dirait que les gens sont contents d’aller voter. Pas comme chez nous, où tu sens la méfiance, où ton voisin te regarde mal parce qu’il se demande de quel bord tu es. »

Avec un peu moins de 42 %, le taux de participation à ce premier tour est pourtant resté limité, et les électeurs se sont prononcés à 60 % en faveur de Nicolas Sarkozy, contre 27 % pour François Hollande. Un « vote de remerciement » pour le président-candidat, opposé au vote de sanction hexagonal : personne ici n’a oublié qu’un an plus tôt, presque jour pour jour, la France contribuait au dénouement de la crise postélectorale ivoirienne. Les suffrages exprimés en grande majorité en faveur des candidats des deux principaux partis, PS et UMP, font écho à la dualité de l’échiquier politique local partagé entre pro-Ado et pro-Gbagbo. Entre deux matchs de la Champions League, leurs partisans n’ont d’ailleurs pas manqué de commenter le duel Sarko-Hollande. « Les Français voient que leur président ne les a pas abandonnés et ils le remercient pour ça, commente Mark. Je pense que ceux qui ont choisi Hollande veulent changer pour voir si les socialistes redistribueront mieux les cartes. Pas comme chez nous, où on se dit plutôt que tel candidat, on sait ce qu’il a déjà fait, donc on va le garder. »

À la radio ou à la télé, beaucoup ont suivi les résultats du scrutin. Si la cherté de la vie préoccupe davantage les habitants des quartiers populaires que les questions de politique politicienne étrangère, au sein de la classe moyenne, le débat sur l’appar- tenance politique l’emporte. « Quand Hollande aura fini de battre votre Sarko, vous verrez que dans les mois suivants Laurent Gbagbo va sortir de prison », prédit un supporter de l’ancien président. Pour d’autres, le candidat socialiste est devenu l’homme de la providence, non pas tant qu’il soit François Hollande mais surtout parce qu’il n’est pas « Char(d’assaut)Kozy », cristallisant autour de lui les haines et les sympathies de certains Ivoiriens.

Cette élection, on en rigole aussi : « Hollande, on dirait qu’il a mal vécu de se retrouver dans l’antichambre de Ségolène Royal. Du coup, il a dû se dire : “Si elle l’a fait, pourquoi pas moi?”. En tout cas, il n’est pas sexy du tout : il faut un président plus chic à la France! »

Finalement, la plaisanterie, c’est encore ce qui vient le plus facilement à propos de ce scrutin suscitant tant de passions à 5000 kilomètres de là. Car, contrairement à bien des pays d’Afrique, en France, une élection présidentielle n’engage pas le pronostic vital des citoyens : c’est avant tout cela que retiennent les Ivoiriens...

Par Elodie VERMEIL Rédactrice en chef du mensuel News&co basé à Abidjan.