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L'éruption des oubliés

Par Emmanuelle Pontié - Publié en juin 2021
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Goma. Capitale du Nord-Kivu. RDC. Déjà, juste ces quelques mots, ça commence mal… Si on faisait un sondage mondial pour demander où ça se trouve, peu de gens seraient capables d’y répondre. En Afrique, on connaît bien. Depuis des années, Goma et ses environs sont le sinistre et incessant théâtre de conflits, violences, viols et déplacements de populations. Dans l’indifférence quasi générale. Fin mai, cerise sur le gâteau, le volcan Nyiragongo a fait irruption dans le paysage miséreux de la région. Dans la petite ville de Buhene, entre 900 et 2 500 habitations ont été englouties sous la langue de lave rocheuse du monstre géologique en éruption. Et près de 400 000 personnes ont dû quitter précipitamment la capitale régionale, baluchon sur le dos, vers des camps de réfugiés… que l’on promet d’aménager. En RDC et au Rwanda aussi. La Croix-Rouge et quelques ONG alertent, prédisent un drame humanitaire sans précédent.

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Le volcan semble se calmer. Peut-être pour un temps seulement. Personne ne peut le dire. Car les séismes continuent. Les autorités locales tentent de rassurer. Maladroitement et dans l’impuissance la plus totale. Et surtout, il est saisissant que les médias internationaux n’aient passé que quelques belles images de l’éruption, presque esthétiques… Point. Mieux, avons-nous entendu parler d’une aide d’urgence venue de l’extérieur ? D’équipes de vulcanologues dépêchées sur place pour prévoir, planifier la suite ? De sous, d’avions, de grues ? Pas moi. Ça viendra peut-être.

Mais il est saisissant de constater que certaines régions de la planète n’intéressent pas grand-monde. Et que la compassion est bien diversement ressentie et exprimée. Au fil des intérêts, peut-être… Plusieurs facteurs doivent expliquer cela, certes. Mais le résultat est là. Rude. Disons que naître à Goma aujourd’hui (et il y a malheureusement bien d’autres parties « hostiles » dans le monde), c’est s’exposer à un quotidien sans pitié, entre les fléaux de toutes sortes qui s’abattent sur ce bout de terre, de la folie des hommes qui tuent et qui violent jusqu’à la malédiction naturelle d’une montagne qui crache le feu en toute liberté, affranchie des radars de surveillance.

Ce billet d’humeur prêchera sûrement dans le désert, mais l’impuissance générale n’empêche pas d’avoir une pensée pour le peuple oublié du Nord-Kivu. ■