Aller au contenu principal

Informer, dÉcomplexÉ!

Par Constant.NEMALE - Publié en octobre 2012
Share

JAMAIS, EN CRÉANT AFRICA 24, je n’imaginais que cette expérience me renverrait aux complexes de nos sociétés africaines sur ses capacités, ses compétences et surtout sa vision.

La réalité du travail des journalistes en Afrique est une facette sombre que le lecteur, l’auditeur ou le téléspectateur ignore parfois. Pour quelques confrères, ce métier noble ne revêt pas toujours des habits de lumière. Alors que le monde des médias est devenu influence, domination et conquête, certains de ses principaux acteurs sont en mode soumission. Car, entre griotisme et exotisme, on cherche à instrumentaliser leur rôle.

Quand j’ai décidé de créer cette chaîne de télévision, le nom d’Africa 24 a d’abord suscité une quantité de critiques. Pendant que les Anglo-Saxons me félicitaient de porter la signature et le nom du continent, les critiques fusaient avec un bruit strident dans le pré carré francophone. Rappelons ici quelques-unes d’entre elles : « Manque d’imagination, pourquoi prendre ce nom, alors que les Français ont déjà France 24 »... « Nous, les Africains, voulons toujours faire comme les Blancs, mais nous n’y arrivons jamais. » Sans parler des prédictions selon lesquelles ce média ne tiendrait pas plus de trois mois! Trois ans plus tard, Africa 24 est bien là, tel un petit Poucet monté sur son estrade de leader : première en audience des chaînes francophones du continent (études EMS Synovate 2010 et 2012).

Notre influence ne fait aussi plus aucun doute, récompensant un travail répondant aux normes internationales, sur tous les plans : gestion de l’entreprise, management au plus proche de nos réalités et aspirations, contenu éditorial séparé de la publicité... « L’info du monde pour l’Afrique, l’info d’Afrique pour le monde » : enfin, nous autres, Africains, sommes capables de donner notre point de vue sur la planète, décomplexés!

Mais disposer d’un produit de cette qualité fait naître tous les soupçons. D’aucuns sont habités par l’obstination de débusquer une main invisible dans nos programmes. D’autres préféreraient encore se voir représenter, comme dans les autres médias internationaux, en continent de la misère, de toutes les catastrophes naturelles ou sanitaires, en paradis pour dictateurs... Il est vrai que les Africains sont les premiers à instrumentaliser cette représentation de leur monde. Une étude Synovate de 2010 a démontré que les pays du continent dépensent, en moyenne, 25 millions de dollars pour leur communication à l’étranger. Quatre-vingt-dix pourcents de cette somme sont directement alloués à des médias occidentaux. Imaginez un seul instant les États-Unis ou la France concentrer 90 % de leur promotion extérieure dans les médias du Sénégal, du Kenya ou encore du Cameroun!

Ce complexe de l’outil médiatique entre nos mains, qui confine parfois au mépris, témoigne du peu de considération que nous portons à notre propre capacité de réflexion et d’action. Le journaliste africain, qui porte chaque jour en bandoulière dans l’un de nos 54 pays son professionnalisme et sa plus haute détermination, souffrira toujours devant les détenteurs d’un quelconque pouvoir, politique, économique ou administratif, pour accéder à l’information qu’il recherche. Car on lui préférera toujours le confrère, de préférence blanc, qui a fait des milliers de kilomètres. Et peu importe que le média qu’il représente ait peu d’audience.

En réalité, Africa 24, média 100 % africain, s’inscrit dans la droite ligne de cet AM nouvelle formule que vous tenez entre les mains. Un média entièrement écrit par des journalistes, ancré dans la réalité quotidienne, imprimé selon les meilleurs standards internationaux. On peut considérer cet ensemble comme un luxe. On peut estimer aussi, comme moi, que c’est le meilleur cocktail pour parvenir à mettre enfin un terme, un jour, à tous nos complexes.

Par Constant NEMALE Fondateur et président d’Africa 24.