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Je suis en route…

Par empontie - Publié en février 2011
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On ne peut que s’interroger sur cette curieuse propension à fabriquer du retard, à disposer du temps d’autrui, à se moquer de la gestion de son agenda et de celle de l’autre. Pour quelle raison ? Dans quel but ? Finalement, après enquête, on se rend compte que cette attitude reflète le plus souvent une incroyable incapacité à savoir dire non. Le rendez-vous en question, auquel tient beaucoup celui qui est au bout du fil à poireauter, n’intéresse pas du tout celui qui est attendu. Mais ce dernier n’a jamais réussi à formuler : « Non, je ne viendrai pas. » Donc, il laisse filer l’heure, espérant au final que l’autre n’attendra plus. Il en est de même pour un nombre incalculable de situations.

Proposez une affaire ou soumettez un dossier en Afrique : neuf fois sur dix, lorsque la personne ne veut pas souscrire ou n’est tout simplement pas intéressée, elle ne vous le dira pas. Elle vous fait lambiner, vous disant « oui, oui, je vais vous répondre, je vais le faire », puis finit par ne plus décrocher le téléphone, vous laissant sans réponse, par manque de courage. Mieux, elle vous rappelle parfois après un long délai, demandant hypocritement si la proposition est toujours d’actualité, alors que l’affaire est bien entendu déjà morte et enterrée, ou conclue avec quelqu’un d’autre. Étonnante attitude, non ?

On me dit que c’est culturel, que dire non revient à dévoiler une incapacité à gérer, à pouvoir faire, à payer, et qu’en Afrique on n’aime pas formuler ce genre de faiblesses, par orgueil. Peut-être, mais laisser mariner l’autre dans son jus, sans dire ni oui ni non, semble aussi procurer un vrai petit plaisir un peu pervers à celui qui en use et en abuse.

Il n’y a qu’à voir la lueur de satisfaction dans la pupille des hommes harcelés par une maîtresse énamourée, ou les sous-directeurs qui jubilent de ne jamais décrocher lorsque le numéro de celui qui attend une réponse de leur patron s’affiche non-stop sur leur portable. Ces gens sont tellement fiers de ne pas répondre, qu’ils s’en vantent auprès de leurs convives du moment : « Tu as vu, neuf fois qu’elle appelle ! Regarde, regarde… » Alors, est-ce seulement culturel ?

C’est vrai que les Africains sont particulièrement harcelés par les problèmes de famille, les demandes de soutien venues des tantes éloignées et des sous-cousins du village… Autant de sollicitations qui poussent certainement à faire l’autruche. Mais, quand même, n’est-ce pas parfois tout simplement un peu lâche et très mal élevé de ne pas être capable de dire en face : « Non, je ne suis pas en route, parce que je n’ai pas envie de te voir ! » Et ça dans toutes les cultures du monde. Sans exception culturelle pour les Africains !