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8e Sommet Africités à Marrakech

Jean-Pierre Elong-Mbassi
Secrétaire général de CGLU Afrique<br/> « Transformer les points de rupture en points de suture »

Par Alexandra Fisch - Publié en novembre 2018
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SEYLLOU/AFP

AM : Comment les collectivités locales peuvent-elles agir sur la grande question des migrations ?
Jean-Pierre Elong-Mbassi : Les collectivités territoriales sont en première ligne dans la gestion des migrations puisque les populations migrantes quittent généralement une collectivité territoriale pour s’établir de manière transitoire ou permanente dans une autre collectivité territoriale au sein du même pays, dans un autre pays d’Afrique ou hors d’Afrique. La Charte sur les migrants que les maires et leaders des gouvernements locaux et régionaux d’Afrique ont adoptée lors du sommet Africités 7 tenu à Johannesbourg en décembre 2015 sera reconsidérée et complétée au cours du sommet Africités 2018 à Marrakech. Il sera de plus proposé la mise en place d’un réseau africain des collectivités territoriales volontaires pour s’investir sur la question de la migration. Le sommet Africités de Marrakech définira par ailleurs la position des collectivités territoriales d’Afrique dans les débats qui auront lieu autour de l’adoption d’un Pacte mondial sur la migration qui devrait intervenir lors de la Conférence des Nations unies sur la migration prévue en décembre 2018 à Marrakech.
 
Quel rôle peuvent jouer les collectivités locales pour promouvoir les processus de paix sur le continent ?
L’Agenda 2063 de l’Union africaine considère l’émergence d’une Afrique en paix comme le préalable à toute entreprise de transformation structurelle du continent. Et c’est encore au niveau des territoires qu’on peut le mieux traiter les tensions entre groupes sociaux et communautés avant qu’ils ne dégénèrent en conflits ouverts et en troubles sociaux pouvant mettre en péril la paix sociale et les institutions nationales. Du reste, la plupart des conflits qui mobilisent l’attention de la communauté internationale en Afrique ont lieu entre communautés au sein d’un même État et non pas entre États. C’est la raison pour laquelle CGLU Afrique plaide depuis longtemps pour que les collectivités territoriales du continent et leurs associations représentatives soient intégrées dans le système d’alerte précoce sur les conflits de l’Union africaine. Nous partageons aussi le point de vue du président Alpha Oumar Konaré, ancien président de la République du Mali et ancien président de la Commission de l’Union africaine, selon lequel, pour les populations africaines, l’intégration du continent se matérialisera grâce à la coopération entre collectivités voisines mais situées dans des États différents. Les frontières nationales héritées de la colonisation seront transformées de points de rupture en points de suture. C’est dire le rôle essentiel que les territoires sont appelés à jouer dans la construction de la paix, de la démocratie, de l’intégration, de l’unité au sein de l’Afrique.
 
Quel message Africités peut-il adresser aux dirigeants africains ?
Ils sont nombreux, mais s’il y a un message principal du sommet Africités vis-à-vis des responsables politiques et des États, il s’énonce de la manière suivante : « N’ayez pas peur de la décentralisation. Loin de fragiliser l’unité nationale, elle contribuera au contraire à consolider la légitimité de l’État, à augmenter sa respectabilité et à améliorer de façon significative l’efficacité dans la gestion des affaires publiques au plus près des demandes et intérêts des populations. »