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Influence

L’aigle de Kinshasa

Par Emmanuelle Pontié - Publié en octobre 2024
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Avec Koffi Olomidé, son ancien mentor, en 2017. DR
Avec Koffi Olomidé, son ancien mentor, en 2017. DR

​​​​​​​Il en a fait du chemin, en quarante-six ans, le petit Faustin Ipupa Nsimba… Il naît le 14 décembre 1977 dans une famille nombreuse à Kinshasa et grandit dans le quartier de Bandalungwa – fief du groupe mythique Wenge Musica, roi du soukous. À l’époque, la rumba et les rythmes dansants scandés en lingala font rage dans la capitale. Il chante à l’église avec sa mère et sa sœur, joue des congas, de la guitare. Il admire les aînés: Franco, Tabu Ley Rochereau, Lokua Kanza, mais aussi George Benson. Très vite, il débute dans les orchestres de rue, malgré la désapprobation de son père. Jusqu’au jour où le producteur ivoirien David Monsoh le repère et le présente à la star Koffi Olomidé. Ce dernier l’embauche dans son groupe Quartier Latin, où il restera sept ans. Il danse, chante, prend le surnom d’Anelka (comme le footballeur). Le temps de six albums, sous la houlette de son patron. Jusqu’en 2006, où c’est la rupture. Il quitte Koffi, et décide de voler de ses propres ailes. Une onde de choc dans le milieu de la rumba congolaise. À l’époque, on ne parie pas sur le jeune protégé qui décide de s’affranchir – et essuie le courroux de son mentor. Or, le titre du premier album de Fally Ipupa, qui sort la même année, présage de l’avenir: il s’intitule Droit chemin…

La suite, on la connaît. L’ascension de l’Aigle, aussi surnommé DiCap la Merveille (le chanteur est un aficionado de Leonardo DiCaprio), ou encore l’Empereur 200K, en référence aux 200 millions de streams recueillis par son dernier album, est vertigineuse. Son quatrième album solo, Tokooos, sorti en 2017, est certifié Disque d’or en 2022 par le Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP) en France. Première historique pour un artiste congolais. Fally a réussi le tour de force de sortir la rumba du «ghetto» de Kinshasa, en la mêlant aux sons urbains. Il invite des stars internationales sur la plupart de ses albums, comme les Français Booba ou M. Pokora ou le Nigérian Wizkid. Il mélange le lingala, le français et l’anglais. En résulte un afropop qui cartonne, entre ritournelles d’amours déçues et rythmes endiablés, et qui fait danser dans le monde entier.

DÉTERMINATION ET ENGAGEMENT

Autre clé du succès, le côté ultrabosseur de Fally, selon ceux qui le côtoient dans le milieu musical. Il est vrai que la star congolaise multiplie les concerts et les prestations dans le monde entier à un rythme très soutenu. À Paris, après des débuts à l’Olympia ou au Zénith, il s’est produit au Paris La Défense Arena en novembre 2023, devant 40000 spectateurs. Il a tourné au Tchad, en Zambie, en Angola, en Afrique du Sud, au Nigeria, en Côte d’Ivoire, au Cameroun, au Gabon, au Niger… Et aussi au Danemark, à Dubaï, à Londres. Là encore, il est attendu pour une tournée aux États-Unis début novembre. Il a fait entrer la rumba congolaise, par ailleurs inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco en 2021, dans le son mondial. Mais la particularité de Fally, c’est de rester profondément congolais, malgré son succès planétaire. Il séjourne autant à Paris qu’à Kinshasa, où il a son studio et la Fally Ipupa Foundation, qui s’occupe notamment de soutenir les mères défavorisées. Il est depuis 2018 ambassadeur de bonne volonté de la mission des Nations unies au Congo (MONUSCO) dans la lutte contre le recrutement d’enfants par les groupes armés en RDC.

À Kin, c’est une star monumentale, au point que ses shows finissent parfois en drames, tant ses fans se bousculent. Comme au stade des Martyrs [voir encadré]. Le 16 août dernier, un concert prévu à Goma a dû être annulé : les forces de l’ordre étaient dans l’incapacité d’assurer la sécurité de la star et des spectateurs… Car en RDC, on idolâtre les vedettes de la rumba. On suit leurs actualités sur la toile, qui expose les brouilles et les jalousies. Comme les relations toujours tendues entre Koffi Olomidé et Fally, malgré quelques photos, où chacun essaie de faire bonne figure. Lors d’une conférence de presse à Paris en 2023, il déclarait: «J’ai toujours la rage, comme si je n’avais rien fait!» Au vu du parcours incroyable déjà accompli, on peut donc s’attendre à de nouvelles prouesses. Pour le bonheur des fans.