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Djibouti

La carte du tout numérique

Par - Publié en novembre 2019
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Le pays a désormais les moyens de son ambition : devenir un noeud d’importance régional dans les autoroutes de l’information, qui sillonnent la planète par liaisons sous-marines et fibre optique.
 
Nul ne conteste à l’opérateur public Djibouti Télécom son statut de leader numérique dans la Corne et l’est de l’Afrique, et ce malgré l’étroitesse de son marché (400 000 abonnés pour une population de 1 million d’habitants). À l’international, son portefeuille clients dépasse en effet la centaine d’opérateurs et de providers, parmi lesquels des géants des télécoms (le français Orange, l’américain Cogent, le britannique Vodafone, le sud-africain MTN ou encore Telecom Italia Sparkle). La base de clients de l’entreprise est composée de consortiums et de multinationales, incluant transporteurs internationaux, opérateurs mobiles, dans le cloud ou le satellite. Djibouti dispose de deux installations d’atterrissage desservant six câbles sous-marins, reliant l’Afrique à l’Asie, au Moyen-Orient et à l’Europe.
L’Eastern Africa Submarine System (EASSy) fait le lien entre la ville sud-africaine de Mtunzini et Port-Soudan, longeant les côtes australes et orientales de l’Afrique. EASSy dispose d’une capacité de transport de 3,84 térabits par seconde et permet à plus de 250 millions d’Est-Africains d’être reliés aux inforoutes immergées.  Le câble transcontinental Europe India Atterrissage en février 2016 d’un câble sous-marin de fibre optique sur la plage de la Siesta, dans la capitale, en présence d’Ali Hassan Bahdon (2e en partant de la droite), alors ministre de la Communication, chargé des Postes et Télécommunications, et désormais ministre de la Justice.
Gateway (EIG) appartient à un consortium composé de 18 opérateurs, dont Djibouti Télécom. Il raccorde l’Inde à l’Europe occidentale avec une capacité de 1,28 térabit par seconde et permet de faire face à l’explosion du trafic de voix et de données entre l’Asie et l’Europe. Le Seacom, lui, relie l’est et l’ouest de l’Afrique à l’Europe et l’Asie du sud. Avec ses 39 000 km, le SEA-ME-WE 3 (Asie du Sud-Est - Moyen-Orient - Europe de l’Ouest) est le câble sous-marin le plus long du monde. Il fait le lien, à lui seul, entre quatre continents et 33 pays, de la Scandinavie à la Nouvelle-Zélande et de la Corée du Sud à la péninsule ibérique, le tout en passant par la station de Haramous à Djibouti. Quant au AAE 1 (Afrique-Asie-Europe), il raccorde depuis 2017 Hong Kong à Marseille. Djibouti Télécom tire de ce câble une capacité de transmission de 1,8 térabit par seconde. Enfin, le SEA-ME-WE 5, qui connecte Singapour à Toulon, permet à l’opérateur historique une capacité supplémentaire de 500 gigabits par seconde.
DR ; Atterrissage en février 2016 d’un câble sous-marin de fibre optique sur la plage de la Siesta, dans la capitale, en présence d’Ali Hassan Bahdon (2e en partant de la droite), alors ministre de la Communication, chargé des Postes et Télécommunications, et désormais ministre de la Justice.
 
LE CENTRE DE DONNÉES LE PLUS PERFORMANT DE LA CORNE
 Partenaire dans la plupart des consortiums propriétaires des liaisons transcontinentales qui transitent par ses stations d’atterrissage, Djibouti y a investi près de 150 millions de dollars et ne compte pas se contenter de cela. Pour consolider sur le long terme sa position de hub international de télécommunication dans la région, l’opérateur national envisage un nouveau projet : le Djibouti Afrique Régional Express (DARE1). Ce câble sous-marin relie les deux principaux points d’accès des télécoms en Afrique de l’Est, Djibouti et Mombasa (Kenya). Trois branches d’interconnexions secondaires permettront de relier le tronc principal du système à Mogadiscio (Somalie), à Bossasso (Puntland), et à Berbera (Somaliland). Le DARE1 devra mobiliser un investissement de 65 millions de dollars pour Djibouti Télécom. Pour Mohamed Assoweh Bouh, directeur général de l’opérateur national depuis mars 2014, « câble et capacité de transmission sont nécessaires, mais insuffisants ». Il ajoute : « Notre vision consiste à rendre l’entreprise capable de fournir tous les services requis par ses clients nationaux, régionaux et internationaux. Ce qui en fera une passerelle pour la fourniture de services numériques entre l’Afrique, l’Asie et l’Europe. » En d’autres termes, cumuler capacités de transmission, vitesse du débit et contenus.  Djibouti Télécom s’est doté du centre de données le plus performant dans la Corne de l’Afrique. Objectif : fournir un accès direct à ses systèmes de câbles sous-marins. Le Djibouti Data Center (DDC) est situé au coeur de la station d’atterrissage des câbles de Djibouti Télécom, à Haramous. Ce centre de données propose un accès aux têtes de câbles sous-marins, des liaisons, des connexions, des interconnexions et des accès Internet. Le DDC offre aux opérateurs de télécommunications internationaux, fournisseurs de réseaux et distributeurs de contenus des installations de colocation neutres, des commutateurs Internet et d’autres services de connectivité. Ces installations intéressent les géants mondiaux des télécoms, à l’instar des groupes américains Google, Akamai ou Microsoft et des fournisseurs de services CDN (content delivery network), qui envisagent la réalisation d’un immense data center au PK 23. Le projet consiste à rapprocher les contenus du noeud de transmission et prendra la forme d’un parc IT sur 120 000 m2.  Par ailleurs, celui-ci devrait abriter des call centers, promesse de recrutement pour des centaines de jeunes chômeurs. Le mémorandum d’entente est en cours de finalisation pour un investissement de 26 millions de dollars mobilisé par les partenaires internationaux et une part symbolique dans le capital pour l’État djiboutien à travers son opérateur national. La réalisation devrait débuter au cours du troisième trimestre 2019. Avec ce projet, Djibouti deviendra la pierre angulaire du projet « Smart Africa », que porte le Rwandais Paul Kagamé, avec la complicité de son ami IOG.
 
LE NOUVEL ATOUT DU PAYS
 L’ensemble des installations de Djibouti Télécom est géré, entretenu et maintenu par du personnel local. Le directeur business international de la société, Mohamed Ahmed Mohamed, affirme que « la totalité des effectifs faisant tourner les stations de redondance, les équipements d’interconnexion ou le DDC est djiboutienne. Chacune des deux stations d’atterrissage des câbles intercontinentaux ou régionaux dispose d’une équipe de cinq ingénieurs, dix techniciens supérieurs et un agent administratif. Les ingénieurs sont formés à l’étranger en partenariat avec les deux grands groupes spécialisés dans les câbles sous-marins, l’américain SubCom et le franco-américain Alcatel-Lucent. » Infrastructures. Ressources humaines. Le tout numérique est le nouvel atout de Djibouti.