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Le galamsey (orpaillage illégal) à Kunsu, dans la région Ashanti. SHUTTERSTOCK
Le galamsey (orpaillage illégal) à Kunsu, dans la région Ashanti. SHUTTERSTOCK
Mines

La contrebande coûte cher au Ghana

Par Cédric Gouverneur
Publié le 15 décembre 2025 à 13h42
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Face aux exportations illégales d’or et de fèves de cacao, les autorités prennent des mesures drastiques, comme la rétribution des informateurs.

Premier producteur africain d’or (devant l’Afrique du Sud) et deuxième producteur mondial de cacao (devant la Côte d’Ivoire), le Ghana se fait dérober une part importante de ces deux ressources. Un rapport de l’ONG Swissaid estime que la contrebande d’or a coûté au pays environ 11 milliards de dollars depuis 2020, soit l’équivalent d’une année de recettes d’exportation du métal précieux. «La plupart de l’or ghanéen vendu en contrebande va à Dubaï», aux Émirats arabes unis, précise l’organisation, estimant que «ce n’est que la partie émergée de l’iceberg». Sous couvert d’anonymat, un responsable de la Commission ghanéenne de régulation des ressources minérales a confirmé à l’agence de presse Reuters que les conclusions de ce rapport constituent bien «des faits notoires». La contrebande de cacao a quant à elle coûté au pays plus d’un milliard de dollars en quatre ans, selon le Cocobod. L’organisme public en charge du cacao estime le trafic à 160000 tonnes pour la saison 2023- 2024, à comparer avec une production officielle de 530000 tonnes. 

La fragile situation économique du pays démultiplie l’impact de cette contrebande. Il y a trois ans, le Ghana s’était déclaré en défaut de paiement, avec une dette publique alors équivalente à 79,1% du PIB. Depuis, la restructuration de la dette suit son cours: le ratio est tombé à 70,2% en 2024 et devrait descendre à 66% en 2025, selon le Fonds monétaire international (FMI). La croissance économique, de 5,7% en 2024 et de 4% en 2025, est principalement soutenue par la hausse des cours de l’or et du cacao, qui représentent respectivement 61% et 16% des recettes d’exportation du pays.

DES PLANTEURS JUSTIFIENT LA CONTREBANDE

Les planteurs de cacao accusent cependant le Cocobod d’être partiellement responsable de la hausse de la contrebande. Theophilus Tamakloe, vice-président de la Coopérative ghanéenne du cacao, a mis en cause dans les médias nationaux la faible augmentation du prix d’achat bord champ, limitée à 4% en août dernier (3228 cedis le sac de 64 kilos, soit environ 224 euros), et ce malgré la bonne santé des cours mondiaux et la hausse des frais pour les paysans (insecticides, location de matériel, etc.): «On est loin de la promesse des autorités de payer 70% du prix du marché, ce qui nous aurait amené à 3800 cedis». Tamakloe a osé ajouter: «Si j’habitais près de la frontière, il est probable que toute ma récolte irait en Côte d’Ivoire, puisque le gouvernement ne nous soutient pas…» 

«La différence de prix entre le Ghana et la Côte d’Ivoire incite à la contrebande», a affirmé Kwame Alex, élu meilleur planteur de cacao du pays en 2024. Le Ghana dispose cependant de marges de manoeuvre réduites, étant contraint à limiter les dépenses publiques dans le cadre de la restructuration de sa dette. Les autorités font appel à l’armée pour lutter contre la contrebande, et ont décidé de fortement rétribuer les informateurs qui permettraient de démanteler des filières illégales: un dixième de l’or saisi, et jusqu’à un tiers du cacao intercepté.