Le visa reste la règle
Malgré les encouragements de l’Union africaine et les promesses de la ZLECAf, et une décennie après l’adoption du «passeport africain», la liberté de circulation demeure théorique sur le continent.

Voyager au sein du continent demeure problématique pour la plupart des ressortissants africains, même pour un séjour de moins de trente jours, souligne l’Observatoire africain de la mobilité et de l’intégration, qui établit chaque année un classement des passeports du continent: seuls une poignée d’États – le Bénin, la Gambie, le Ghana, le Rwanda, les Seychelles, le Kenya et bientôt la Zambie – ont supprimé les visas pour les ressortissants des 54 pays africains sans exiger de réciprocité. Un bilan décevant, près d’une décennie après l’adoption officielle du «passeport panafricain» en juillet 2016, lors du 27e sommet de l’Union africaine (UA) à Kigali (Rwanda). «Un pas ferme vers l’objectif de création d’une Afrique intégrée et prospère, conduite par ses citoyens et apte à prendre sa place sur la scène mondiale», s’était alors enthousiasmée la présidente de la Commission de l’UA, Mme Nkosazana Dlamini-Zuma. Les prévisions en termes de tourisme intra-africain, d’investissements et de commerce s’annonçaient prometteuses. Pourtant, les progrès demeurent lents et susceptibles de reculs au gré des crises diplomatiques. Première puissance économique du continent, l’Afrique du Sud, régulièrement traversée par des vagues d’émeutes xénophobes, mène ainsi une politique migratoire restrictive. Le classement 2025 montre également que détenir un passeport de l’Algérie, du Maroc, du Gabon ou de la Guinée équatoriale permet de voyage dans la plupart des pays du continent, mais que ces pays exigent le plus souvent un visa de leurs visiteurs africains.
Réalisateur de cinéma nigérian, Tayo Aina a témoigné récemment sur CNN s’être senti «humilié» par la suspicion des services de l’immigration en se déplaçant sur le continent: «Parfois, vous atterrissez dans un pays et on vous annonce que la politique de visa à l’arrivée n’est plus appliquée» pour les ressortissants nigérians. «Des gens se voient refuser l’entrée parce que la politique a changé lorsqu’ils se trouvaient en vol», assure-t-il. Aliko Dangote, l’homme le plus riche du continent, a raconté l’an dernier, lors du CEO Forum de Kigali, avoir besoin, en tant que citoyen nigérian, de pas moins de «35 visas» pour voyager en Afrique: «J’ai autre chose à faire de mon temps que de déposer mon passeport dans une ambassade afin d’obtenir un visa», avait-il ajouté en prenant à témoin Patrick Pouyanné, PDG français de TotalEnergies, qui, en tant que ressortissant d’une ancienne puissance coloniale, bénéficie d’une plus ample liberté de circulation sur le continent que les Africains…
UNE DEMANDE RÉITÉRÉE
Beaucoup de pays africains rechignent à faciliter l’accès à leur territoire, par crainte de la criminalité transfrontalière, de la contrebande, du terrorisme ou du travail clandestin. Fin mars, à Mombasa, les responsables de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (UNECA) et de l’UA ont demandé, une nouvelle fois, l’accélération de la ratification du protocole de l’UA relatif à la libre circulation des personnes, une des promesses de la ZLECAf, soulignant que «la migration en Afrique constitue un facteur d’opportunités».