Mahi Binebine s’élève

Il ne cesse de faire vibrer le paysage culturel marocain. Après la tenue de son festival littéraire Flam du 30 janvier au 2 février, le voilà qui présente ses œuvres dans un cadre artistique exceptionnel.
Il fallait bien ce vaste écrin, cet espace de 1000 m2 du M.O Studio doté d’une verrière et d’une hauteur sous plafond conférant une luminosité exceptionnelle, pour mettre en valeur les œuvres puissantes, monumentales et spirituelles de Mahi Binebine. Organisée par la Galerie 208 et l’hôtel Mandarin Oriental de Marrakech, l’exposition «Élévations silencieuses» réunit pour la première fois dix sculptures imposantes de l’artiste de renommée internationale, ainsi que plusieurs dizaines de bas-reliefs et de tableaux.
Ses œuvres explorent la complexité de la condition humaine, ses contradictions, entre ténèbres et lumière, douceur et violence, lien et solitude, enfermement, pesanteur terrestre et aspirations à s’élever, à se libérer. Par des aplats de couleurs jaune, vert turquoise et grise, ses personnages se soutiennent ou se portent comme un fardeau, se dédoublent, se démultiplient, s’enchevêtrent les uns aux autres, coexistent, unis ou en lutte, à la fois uns et pluriels, là où le «je» peut être un autre.
La pièce maîtresse de l’exposition est sans doute cette série de 32 tableaux présentés sur un mur, réalisés avec du goudron et du papier de soie, à la dimension narrative évidente. Inédites aussi, ces magnifiques sculptures en cristal de Bohême, dont une d’un bleu Majorelle luminescent. «Élévations silencieuses» donne un avant-goût de la future fondation de Mahi Binebine, actuellement en conception par le célèbre architecte Rachid Andaloussi. Au sein de la palmeraie de la Ville ocre, 2000 œuvres de l’artiste seront exposées dans un musée de 6000 m² doté d’un auditorium, d’un restaurant et d’une galerie pour les artistes invités. Le jardin, imaginé par les illustres paysagistes Pascal Lopez et Umberto Pasti, sera jalonné de grandes sculptures. L’ouverture est prévue pour 2028. Également écrivain – son dernier roman La nuit nous emportera (Robert Laffont) vient de paraître –, Mahi Binebine est le cofondateur du Festival du livre africain de Marrakech (Flam), qui s’est tenu du 30 janvier au 2 février. Avec le succès de sa 3e édition, le Flam confirme son ancrage et s’affirme comme un événement culturel incontournable sur le continent, conviant auteurs d’Afrique, des Caraïbes et de la diaspora. Christiane Taubira, Mohamed Mbougar Sarr, Najat Vallaud-Belkacem, Felwine Sarr, Ananda Devi, Emmanuel Dongala, Rokhaya Diallo, Mamadou Diouf ou Rachid Benzine, pour ne citer qu’eux, y ont échangé autour de réflexions variées, comme les perspectives afroféministes, l’histoire africaine du monde, l’écriture des liens et la pensée de Frantz Fanon.
«ÉLÉVATIONS SILENCIEUSES», M.O Studio, Mandarin Oriental Marrakech, jusqu’au 28 mars.