
Mulatu Astatke
Gloire à l’Éthio-Jazz!
Avec Mulatu Plays Mulatu, le pionnier explore à nouveau, et avec tout autant de dextérité, son corpus des années 1960 et 1970.

«Cet album représente l’aboutissement de mon travail pour faire rayonner cette musique dans le monde, et rend hommage à nos héros oubliés, les scientifiques musicaux originels d’Éthiopie, qui nous ont transmis notre musique culturelle», dit-il. L’habituelle humilité de Mulatu Astatke l’empêche de formuler que lui aussi est une figure majeure de son pays natal, l’Éthiopie, et que c’est à lui que l’on doit ce qu’il a appelé l’éthio-jazz. Lui qui a été éduqué dès son adolescence au pays de Galles, faisant ses classes de multiinstrumentiste au Trinity College of Music de Londres, puis au prestigieux Berklee College of Music de Boston, a très vite arpenté les planches, fréquenté la crème de la crème, de Keith Jarrett à Gary Burton, avant de publier ses Afro-Latin Soul, volumes 1 et 2, en 1966.
Trois ans plus tard, il est de retour à Addis. Depuis, il n’a jamais cessé de transmettre son énergie contagieuse à son entourage artistique, twistant l’usage d’instruments traditionnels tels que le washint ou le krar. Ayant joué aux côtés d’Alice Coltrane et de Duke Ellington et auteur de moult disques novateurs, fier porte-parole des «peuples de la brousse», Mulatu Astatke intègre aussi la sphère de la pop culture lorsque Jim Jarmusch fait appel à ses morceaux pour la bande-son de Broken Flowers. Entretemps, il aura souffert du régime du Derg, durant lequel il n’aura pu qu’enseigner la musique, avant d’être reconnu grâce à la réédition de la collection «Éthiopiques».
Aujourd’hui, Mulatu Plays Mulatu reprend les habituels ingrédients de son auteur, piochés dans le jazz tendance modal, le funk, les musiques latines ou encore l’afrobeat. Entouré de ses musiciens britanniques, le mélomane a réenregistré entre Addis et Londres certains de ses titres les plus cultes, tels que «Kulun» et «Yèkèrmo Sèw». De l’ouverture de «Zelesenga Dewel» au final de «Yekatit», la fièvre improvisatrice d’un éthio-jazz à géométrie décidément variable bénéficie de la dextérité d’Astatke, faisant de cet album l’un des piliers de son répertoire.